En Europe, à la fin de la fin de la Seconde Guerre mondiale est apparu un type de compétition originale : les courses de caisses à savon. Nombreux sont les enfants de notre génération qui ont construit ce genre de véhicule composé d’une caisse en bois, de quatre roues, celles de l’avant étant montées sur un axe mobile et dirigeable par une corde fixée aux deux extrémités. Des leviers en bois frottant sur les roues arrière permettaient de freiner.
Marcel D. ,notre voisin, était le spécialiste de ce genre de bolides. Il était passionné de gymnastique et de cirque. Il piquait des équilibres et marchait sur les mains ce qui lui conférait une grande notoriété auprès des enfants de la rue. Il devait être plus vieux que moi mais moins que mon frère, avait des cheveux noirs bouclés et un visage allongé.
Les différentes versions de ses engins arboraient toujours un grand « Circus » adroitement peint.
Un jour il fut décidé de faire une course et mon frère se proposa de construire notre propre bolide. Mon père fut partie prenante dans la construction.
Pour gagner il fallait qu’il fût le plus simple possible et léger pour gagner en vitesse contrairement à celui de Marcel D. qui était constitué d’une caisse fixée sur le châssis et assez haute pour protéger le pilote mais qui alourdissait considérablement l’engin.
Une poutre de bois constituera le longeron central avec un essieu fixe à l’arrière et mobile à l’avant dirigé par les pieds du pilote assis dans un siège d’enfant pour bicyclette capitonné de tissu par ma mère, fixé sur le longeron et l’essieu arrière.
Je pilotais et mon frère poussait. Les premiers essais montrèrent que le véhicule était très bas et Marcel exerçait sa poussée sur mes épaules ce qui était très gênant car je m’écroulais rapidement. Une béquille fixée à l’arrière transmettant la poussée directement au châssis fut installée pour remédier au problème. Incontestablement notre caisse à savon avait de l’allure.
Au jour fixé, les deux véhicules se présentèrent sur la ligne de départ au début de la rue.
Le pilote de Marcel D. était Jean-Claude P. notre voisin d’en face. Parents, voisins et enfants se firent spectateurs et les encouragements fusaient. Ma mère était inquiète, notre engin était sans protection tandis que celui de Marcel D. offrait toutes les garanties de sécurité.
Le départ fut donné. Les deux véhicules s’élancèrent, le nôtre beaucoup plus léger prit immédiatement la tête. En passant devant notre maison, nous entendîmes notre mère nous encouragés ce qui nous galvanisa mais au bout de la rue il fallait négocier le virage pour revenir vers la ligne d’arrivée. Emporté par notre vitesse notre véhicule chavira et je fus éjecté sur le trottoir.
À mes cris, ma mère se précipita et me ramena par la main à la maison en jetant un regard furibond à mon père et à mon frère plantés auprès de notre engin retourné. Marcel D. et Jean-Claude avaient gagné.