Le lancement de l’Impératrice-Eugénie, le 23 avril 1864

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Le lancement de l’Impératrice-Eugénie, le 23 avril 1864

Y-1 – L’Impératrice-Eugénie – Source :

Les visiteurs

Le samedi 23 avril 1864, jour de marché, par un temps magnifique, le premier navire de la ligne transatlantique française des Antilles a été lancé à Saint-Nazaire. Il a été renommé juste avant son lancement. De Nouveau-Monde, il est devenu Impératrice-Eugénie *. Les cartes d’invitation à la cérémonie de son lancement portaient encore la première dénomination **.

*) Il y avait à cette époque plusieurs Impératrice-Eugénie à courir les mers : un des steamers de la ligne chinoise des Messageries Impériales ; un bâtiment de commerce d’un armateur bordelais naviguant dans l’océan Indien. Un armateur nantais avait lui aussi fait la demande pour qu’un de ses navires portât l’illustre nom ; cette faveur lui fut refusée.
**) Pourquoi ce changement ? En recherche d’informations.

Y-2 – Situation du Chantier Scott – Dessin Michel-Claude Mahé.

Saint-Nazaire avait pris un air de fête. Beaucoup de maisons et les navires présents dans le bassin étaient pavoisés. Le matin, un grand nombre de promeneurs encombrait les restaurants et les hôtels.

À la gare, le train de 11 h 29, auquel on avait adjoint plusieurs wagons supplémentaires, déversa les invités parisiens composés d’ingénieurs, de financiers, de directeurs de chemins de fer, de journalistes, etc. Ils atteignirent Nantes la veille au soir, y passèrent la nuit, prirent le train le matin pour Saint-Nazaire et revinrent à Nantes le soir pour repartir le lendemain. On comptait parmi eux M. Léonce Goyetche, directeur de la Compagnie générale transatlantique.

*) Léonce Goyetche (autre forme du nom : Léonce Goyhetche) (1822-1885), directeur de la Compagnie générale transatlantique ; membre du Conseil général des Basses-Pyrénées. En recherche d’informations.

Les voyageurs arrivant par le chemin de fer de Nantes ont aperçu, bien avant d’arriver à la gare, les coques des cinq grands navires. Tout le monde exprima une grande admiration devant le spectacle vraiment imposant qu’ils présentaient. Certains visiteurs de Paris, ceux qui n’avaient jamais vu auparavant un grand navire sur sa cale, en furent époustouflés.

La compagnie des Pyroscaphes avait mis à la disposition des curieux un paquebot spécial qui partit de Nantes, fit une escale à Paimbœuf et arriva à midi à Saint-Nazaire. Ils purent alors visiter le chantier, puis à trois heures le pyroscaphe reprit ses passagers pour les emmener en rade, meilleure place pour profiter du spectacle.

En voitures hippomobiles * ou à pied, les populations citadines et contadines des environs fournirent, elles aussi, leur contingent de spectateurs **.

*) Le vélocipède, inventé en 1869 ; l’automobile, inventée en 1886 ; le tramway de la compagnie du Morbihan, créé en 1907, n’existaient pas encore. Un service régulier de bateau à vapeur entre Nantes et Saint-Nazaire via Paimboeuf existait depuis 1822. Il faudra attendre 1877 pour voir un bac à vapeur régulier de navigation circulaire entre Donges, Paimboeuf, Mindin et Saint-Nazaire.
** La presse relate une anecdote d’un visiteur, venant à pied « et qui s’était arrêté en route dans toutes les auberges qu’il avait rencontrées, demanda en entrant en ville si le bateau qu’on devait lancer était déjà arrivé. Son interlocuteur lui répondit qu’au moins il n’était pas encore parti et notre homme satisfait alla attendre dans le plus prochain cabaret ».

Dès le matin, la foule envahit la ville nouvelle et après la visite du bassin se dirigea vers Penhouet. À 14 h 00, elle en avait envahi les abords, se porta vers le chantier et visita avec intérêt les ateliers.

Le lancement

Un chroniqueur précisait dans son compte rendu que la cérémonie n’avait aucun caractère officiel, que seul M. Scott en fut l’ordonnateur, la Compagnie générale transatlantique étant restée étrangère à l’évènement. Quelques jours auparavant, en précisant la date et l’heure du lancement, la presse avait annoncé : « Il n’y aura aucune fête à cette occasion ».

M. Scott, en raison d’une indisposition, n’a pas pu quitter l’Écosse pour assister à la cérémonie. Il a été remplacé par M. Maud et ses autres assistants anglais et français.

Des gradins avaient été établis non loin du navire, au bord de l’eau, pour recevoir les invités. À leur intention, sous une tente, un buffet de viandes froides, de biscuits, de fruits et de rafraichissements avait été dressée, par M. Monnier *.
Les autres visiteurs se sont placés où ils voulaient ; ils étaient même autorisés à monter sur le navire attenant (La France).

*) M. Monnier (en recherche d’informations)

Y-3 – 23 avril 1864, lancement de l’Impératrice-Eugénie – Source :

Sur la cale inclinée, une double rangée d’étais de chaque côté, les accores, maintenaient le navire sur son berceau. Les machines, bien qu’elles fussent arrivées à Saint-Nazaire, seront montées le navire étant à quai.

Les jours précédents, on avait substitué sans à-coups l’appareil de lancement aux tins de construction comme support du navire. C’était, selon les constructeurs, le point le plus délicat de l’opération.
Le navire dans son berceau reposait maintenant sur les deux coulisses latérales, une de chaque côté, formant le plan de glissement sur lequel on avait intercalé un enduit onctueux pour diminuer la résistance au frottement. Deux opérations restaient à effectuer pour libérer le navire : abattre les accores puis faire tomber les clés de retenue situées à l’avant.

*) Je suggère au lecteur de se reporter à l’article « Berceau de lancement sur double coulisse. » pour de plus amples informations sur le lancement à double coulisse pratiqué par les chantiers privés anglais et au chantier Scott pour la série de navire de la Compagnie.

C’est M. Forquenot, ingénieur détaché de la marine au chantier Scott, directeur à Paris du service des constructions de la Compagnie, qui présidait à l’opération du lancement.

À quinze heures, le clergé * procéda à la bénédiction **.

*) Selon les sources on parle de celui de Saint-Nazaire ou celui de Méans (commune de Montoir).
** Ce qui engendra quelques commentaires dans la presse : les armateurs MM. Pereire étant juifs, M. Scott protestant, un chroniqueur écrivit : « Le parti clérical n’a pas manqué d’y voir l’aveu des hérétiques eux-mêmes que leur œuvre avait besoin de purification, et que le catholicisme seul dispose de la grâce efficace. »

Les charpentiers se mirent à l’œuvre pour faire tomber les accores. Nous avons une description de cette opération par un chroniqueur : « C’est merveille de les voir se laisser glisser du haut du pont le long d’une corde pour venir assurer cette corde au faîte des poutres et remonter aussitôt, comme des gymnasiarques, pour recommencer cette vigoureuse voltige. Dès qu’un étai est amarré par le haut, huit hommes, maniant un bélier, l’en frappent par le bas, et la poutre tombe, maintenue par l’amarre qu’on laisse glisser du pont ».

Cette opération étant réalisée, seules les clés situées à l’avant maintenaient le navire.

Mme Goyetche, épouse du directeur de la Compagnie transatlantique, monta sur une estrade élevée à l’avant. Un silence solennel se fit. Elle frappa d’un coup une cordelette avec une hachette ; un bruit sourd se fit entendre provoqué par les deux clés qui tombaient sous le coup des deux moutons suspendus au-dessus d’elles.

Alors, à 16 h 35, on entendit le cri « Elle bouge ! » et le paquebot quitta majestueusement, lentement, sans secousse, la cale de lancement, faisant craquer les poutres de son appareil de lancement et fumer les madriers * sur lesquels il glissait.

*) Cela est dû à un échauffement des surfaces de portage provoquant une élévation de la température de l’enduit onctueux produisant une fumée épaisse et abondante.

Cette mise à l’eau était suivie avec une certaine anxiété parmi certains spectateurs car le bruit s’était répandu que le matin même, à Nantes, un lancement n’avait pas réussi *. Cependant, à Saint-Nazaire, il ne se produisit pas le moindre accident ni le moindre contretemps. L’Impératrice Eugénie gagna son élément et une immense acclamation ** salua l’opération. Ayant perdu son berceau, le navire fut remorqué dans les estacades par deux remorqueurs à vapeur.

*) Le même jour, à 6 h 00 du matin, à Nantes, on lançait deux navires confédérés : le Sanghaï, construit sur les chantiers de M. Dubigeon, mis à l’eau avec succès et le San-Francisco, construit chez MM. Jollet et Babin. Pour ce dernier navire, le plan de glissement n’ayant pas été correctement suiffé, il resta sur la cale. L’opération fut achevée à la marée du soir.
** Dans une foule anglaise un « Hourra » vigoureux et unanime aurait éclaté mais les Français ont applaudi ou agité des mouchoirs et des chapeaux et ont crié Bravo ! Bravo!’ avec un réel enthousiasme.

Le soir, la municipalité fit tirer un feu d’artifice. Les différents cercles ouvrirent leurs portes à tous les étrangers auxquels on offrit un punch. Chez M. Shand, le directeur des chantiers, il y eut du thé suivi de danses. Au théâtre, les contremaîtres donnèrent un bal.

A propos Michel-Claude Mahé

Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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