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À vos agendas :
CONFÉRENCE – DEBAT
présentée par Michel-Claude Mahé.
« Les conflits religieux à Nantes et à Saint-Nazaire en 1926 »
Le jeudi 15 juin 2023 à 18 h 30, à l’Hôtel Aquilon, Rond-point Océanis, Saint-Nazaire.
Qu’allons-nous voir dans cet exposé ? Pas des choses extraordinaires, deux événements, presque des faits divers, qui se sont produits quelques semaines voire quelques jours avant l’inauguration du Monument américain en 1926 à Saint-Nazaire. Ce sont :
– L’enlèvement des emblèmes religieux à l’hôpital de Saint-Nazaire ;
– L’interdiction des processions.
En déroulant le film de ces instants de vie, nous pourrons mieux appréhender les problèmes de cette époque.

Je vous propose dans ce nouvel article de continuer la chronologie de l’établissement des lignes transatlantiques. Je vous avoue qu’arrivé à ce point d’étude ce fut pour moi une révélation. J’avais, comme tout un chacun, entendu parler des frères Gauthier avec leur Compagnie franco-américaine qui m’apparaissait comme un feu de paille dans l’histoire des lignes transatlantiques. Que nenni ! Voilà une entreprise qui osa seule s’attaquer à ce problème, finança ses propres navires à hélice, dont deux très innovants avec une machine à vapeur et vapeur d’éther, réussit à prendre une petite place dans cette concurrence acharnée anglo-américaine mais qui fut lâchée par un gouvernement impérial qui certes avait compris les enjeux commerciaux néanmoins refusa d’entendre les suppliques des principaux négociants de Lyon, de Paris, etc. pour accompagner, conforter cette compagnie…
1853 à 1858 – La Compagnie franco-américaine (Gauthier frères)

Dessin Michel-Claude Mahé.
1853 à 1855
En 1853, les frères Gauthier, de Lyon, formèrent une compagnie dite « franco- américaine » pour établir un service de paquebots entre le Havre et New York. Pour ce projet, dans le même temps, elle commanda aux chantiers Guibert de Nantes deux navires à hélice : le Jacquart et le François Arago *. Ces deux navires étaient les plus grands jamais sortis des chantiers de la Loire.
Dès leur sortie, ils ont été affrétés par le gouvernement pour transporter des troupes en Crimée. Ils pouvaient prendre de 2 500 à 3 000 soldats à leur bord.
*) Caractéristiques du Jacquart et du Francois-Arago
Chantiers de construction Guibert (Nantes).
Le Jacquart, lancement : 18-11-1854, mis en service : 1855 ; coût de construction : 1 500 000 francs.
François-Arago, lancement : 20-05-1855, mis en service : 1855.
Longueur hors-tout : 80,60 m ; longueur à la flottaison en charge 75 m ; largeur au bau : 11,80 m ; creux : 10 m ; tirant d’eau en charge : 6 m, déplacement : 3500 t ; vitesse 9,8 nœuds ; puissance effective des machines : 600 chevaux, alimentées par le système Du Tremblay en combinant deux appareils : l’un utilisant la vapeur d’eau, l’autre la vapeur d’éther.
Ils étaient armés en trois-mâts et leur voilure était de 1 500 mètres carrés.
Ils étaient compartimentés par sept cloisons transversales étanches.
Ces navires étaient prévus pour 100 hommes d’équipage, 150 passagers, 700 émigrants. Ils pouvaient porter : 1 000 tonneaux de marchandises, 450 tonneaux de charbon, 16 000 litres d’éther, les vivres, sept embarcations.
1856
Elle avait répondu à la soumission du gouvernement en 1856 et faisait partie des trois compagnies restées en lice *. Cependant, sans attendre, elle fonda, par ses seuls moyens financiers deux services partant du Havre, l’un pour les États-Unis, l’autre pour le Brésil avec neuf bateaux **, dont cinq achetés en Écosse, chez le constructeur Laird, et quatre construits à Nantes.
La ligne des États-Unis fut inaugurée le 23 février 1856 au départ du Havre ***, celle du Brésil, le 10 avril 1856 au départ de Rio de Janeiro ****.
En hiver, les départs étaient mensuels sur chacune des deux lignes et bimensuels pendant l’été au départ de New York.
En septembre de la même année, une nouvelle ligne fut mise en place du Havre à la Nouvelle Orléans avec des escales à Cadix, La Martinique, La Guadeloupe, la Havane *****.
*) Voir article précédent. La naissance des services transatlantiques en France – 1840 à 1856
**) Ses bateaux dits, vapeurs mixtes, en fer, utilisaient soit la voile, soit la vapeur et étaient dotés d’une hélice.
Le Jacquart, 2.400 tx , 500 ch, Chantiers Guibert frères (Nantes) ;
Le François-Arago, 2.400 tx , 500 ch, Chantiers Guibert frères (Nantes), 1855 ;
L’Alma, 2.200 tx , 500 ch , chantiers Laird (Écosse)
Le Sébastopol, 2.200 tx , 500 ch ;
Le Barcelone, 2.000 tx, 500 ch , chantiers Laird (Écosse) ;
Le Cadiz, 2.000 tx,, 500 ch, chantiers Laird (Écosse) ;
Le Lyonnais, 2.000 tx , 500 ch, chantiers Laird (Écosse) ;
Le Franc-Comtois, 2.000 tx , 500 ch,.
Ils pouvaient porter 750 tonneaux de charbon et 750 tonneaux de marchandises. Ils étaient aménagés pour recevoir 160 passagers, et comptaient 85 hommes d’équipage.
***) Le Barcelone (capitaine Morin) inaugura la ligne de New-York. Parti du Havre le 23 février 1856, il effectua sa traversée d’aller en 20 jours, et celle du retour en 14 jours.
****) La ligne de Rio fut inaugurée avec Le Cadiz (capitaine Dugast). Parti de Rio le 10 avril 1856, il entrait au Havre le 16 mai. Son voyage dura 24 jours environ, déduction faite du temps de séjour aux escales.
*****) Elle fut inaugurée le 1er septembre 1856 par le Jacquart (capitaine Bourdillat). En juin 1856, après deux années de service continu en Méditerranée, le Jacquart est rentré au Havre pour y subir des transformations dans ses aménagements pour donner aux passagers de cette nouvelle ligne tout le confort possible.
Du côté du gouvernement, le projet de la concession des paquebots semblait totalement bouclé, mais il laissait planer l’incertitude. Les uns disaient : « la question est ajournée », d’autres assuraient « la solution est prochaine ».
La ligne Le Havre – New York était desservie par les compagnies anglaises et américaines richement subventionnées *. L’entrée sur le marché de la Compagnie franco-américaine a eu pour effet immédiat de faire baisser de moitié le prix du fret sur celle-ci. La concurrence devint inégale et acharnée **.
Cette baisse de prix était excellente pour le commerce national, mais c’était aux dépens de la Compagnie franco-américaine qui ne pouvait soutenir longtemps une pareille concurrence sans une subvention du gouvernement. Conscients de la situation, les principaux négociants de Lyon, de Paris, du Havre et de plusieurs autres villes s’en alarmèrent et adressèrent leurs supplications à l’empereur, pour qu’elle obtienne son appui. Rien n’y fit.
*) La Compagnie Livingstone, qui naviguaient avec des subventions particulièrement avantageuses.
La Compagnie Vanderbilt, qui ne bénéficiait d’aucune subvention mais disposait de capitaux très élevés et de grands navires perfectionnés, enlevait également à la compagnie française une bonne partie de la clientèle potentielle.
** Les compagnies concurrentes n’hésitaient pas à jouer sur la vitesse de leur navire, quitte à dépenser plus de charbon.

La perte du Lyonnais (capitaine Devaux) fut un coup très dur pour la compagnie. Le 02 novembre 1856, le paquebot faisant le service transatlantique New York – le Havre a été abordé par un navire l’Adriatic (capitaine Darham) et a coulé. Sur les 40 passagers de première classe, 5 seulement ont été retrouvés.
Sur 94 hommes d’équipage et 58 passagers admis à bord à titre gratuit pouvant être employés pendant la traversée, il n’en a été retrouvé que 11. Il y avait un total de 192 personnes à bord.
1857
Mi-février 1857, après trois voyages seulement accomplis par ses paquebots sur la ligne du Havre à la Nouvelle Orléans, la Compagnie informa ses correspondants à Saint-Pierre qu’elle n’enverrait plus de steamers dans les Antilles. Elle a supprimé les escales à la Martinique, à la Guadeloupe et la Havane *.
*) Il se peut que cette décision fût une conséquence géopolitique : l’affaire du moment en Espagne était le conflit avec le Mexique. Le 5 mars 1857, à Madrid, on écrivait : « La République mexicaine ayant refusé la satisfaction que nous avions justement demandée, notre représentant, M. Jorela, a quitté ce pays et il est venu à la Havane. La Vera Cruz et toute cette côte sont bloquées par notre marine et bientôt les Mexicains apprendront à leurs dépens que l’on ne se joue pas impunément de l’honneur et des intérêts de l’Espagne… Tous les bâtiments qui doivent porter des renforts à Cuba ont l’ordre d’accélérer le plus possible leur équipe. »
À cette époque, l’Espagne souhaitait se doter d’un service transatlantique. Les adjudications qu’elle avait menées jusqu’alors ne donnaient pas les résultats escomptés. Le 5 avril 1857, une ordonnance royale espagnole a été rendue. Elle concédait le service transatlantique espagnol entre Cadix et la Havane, avec une subvention de 176 000 francs par voyage à MM. Gauthier frères et Cie.
Les 22 et 23 décembre 1857, la Compagnie franco-américaine fut dissoute et a nommé une commission de liquidation.
1858
Le Jacquart fut saisi le 19 avril 1858, à la requête de M. Frédéric de Conninck, porteur d’une dette liée à une réparation du navire. Le 27 septembre 1858, le Jacquart a été adjugé à l’audience des criées du tribunal civil du Havre à M. F. de Conninck, pour la somme (non compris les charges) de 50 100 francs pour être démoli et dépecé * mais en mars 1859, la cour impériale de Rouen prononça l’annulation de l’adjudication, le juge commis pour procéder à la vente ayant outrepassé ses prérogatives. Il faut rappeler que le coût de la construction du Jacquart avait été de 1 500 000 francs.
En décembre 1858, la Compagnie péninsulaire et orientale (une compagnie anglaise) acheta l’Alma, le Franc-Comtois, le Barcelone et le Cadiz pour 550 000 francs chacun. Le François-Arago a été vendu à Liverpool.
*) La tôle de la coque et le cuivre auraient pu à la vente produire plus de 100 000 francs. La démolition avait été programmée pour éviter de rembourser une prime de 155 000 francs obtenue gratuitement de l’État du fait que la machine à vapeur était de fabrication française, sous la condition qu’elle serait remboursée si le navire cessait d’être destiné à la navigation internationale maritime.
Le 29 juin 1858, MM Gauthier frères furent déclarés en faillite par jugement du tribunal de commerce de la Seine.