Diminution de la natalité en France à la fin du XIXe

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La Loire-Inférieure – Mouvement de la population en 1875 – Le mariage

Diminution de la natalité en France à la fin du XIXe

En France métropolitaine

C-1 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
C-2 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé

La fin du 19e siècle fut marquée par un net ralentissement de l’augmentation de la population.
En 1876, la France comptait 38 437 592 habitants ; 1886 : 39 783 258 ; 1891 : 39 946 454 ; 1896 : 40 158 318. Le nombre des naissances comblait à peine le nombre des décès et en 1890, 1891 et 1892, ces derniers ont dépassé les naissances.
La société était empreinte d’un esprit guerrier très développé. Cette situation préoccupait les militaires et les patriotes. L’armement et la science tactique étaient maîtrisés par les nations civilisées d’égale manière, seul le nombre d’hommes à mettre sur le terrain faisait la différence. Vers 1900, l’Allemagne, la Russie, l’Italie ne pouvait pas enrégimenter tout leur contingent, La France peinait à maintenir ses effectifs.

Dans les départements observés

C-3 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
C-4 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé

Conception des tableaux C-5 et C-6

Pour effectuer des comparaisons entre les départements, nous avons calculé pour chaque année et chaque département :

  • un excédent des naissances, naissances supérieures au décès. Il est positif ou nul.
    ou
  • un excédent des décès, naissances inférieures aux décès. Il est négatif ou nul.

Il était nécessaire de pondérer ces excédents, pour les rendre comparables, en prenant en compte l’ordre de grandeur du nombre d’habitants de chaque département*.
Nous avons donc calculé un excédent des naissances ou décès pour mille habitants défini par la formule :

Excédent des naissances ou décès pour mille habitants = (excédent des naissances (ou décès) * 1000) / Nombre moyen d’habitants du département **.

*) Exemple : L’Ille-et-Vilaine a un excédent de naissances de 3 346 pour une population environ 603 000 habitants ; la Vendée, un excédent de naissances de 2 336 mais pour environ 412 000 habitants. Ces chiffres sont difficilement comparables sans une petite transformation.
**) Le nombre moyen d’habitants est celui d’une année d’un recensement centrée sur deux années de part et d’autre de celle-ci pour lesquelles nous avons donnons la même valeur. Le nombre moyen d’habitants est donc calculé sur cinq ans avec la valeur de l’année de recensement incluse dans la plage.

Les tableaux C-5 et C-6 montrent la répartition de ces excédents entre 1875 et 1885. Une seule et même couleur représente un seul et même département.

C-5 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
C-6 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé

Analyse

On retrouve le même phénomène pour les départements étudiés (C-3 et C-4) que pour la France entière (tableau C-2) mais avec quelques particularités.

Les natalités du Maine-et-Loire et surtout de la Mayenne ont été catastrophiques. Il n’y avait plus de renouvellement de la population par les naissances. La plupart des années, les décès étaient plus nombreux que les naissances. Maine-et-Loire (maxi 3,47‰ en 1880 ; mini -3.91 ‰ en 1900) et de la Mayenne (maxi 2,78‰ en 1881 ; mini -4,67‰ en 1900).

L’Ille-et-Vilaine, (maxi 7,75‰ en 1883 ; mini 1,66‰ en 1900), amorça un déclin de sa natalité à partir de 1884 et verra les décès dépasser les naissances en 1895 et 1900.

La Loire-inférieure a suivi le même schéma à partir de 1884 mais la natalité s’est maintenue (maxi 6,69‰ en 1881 ; mini 1,09‰ en 1900).

Le Morbihan et la Vendée furent les bons élèves de la classe avec des renouvellements importants par les naissances.
On notera l’excellente natalité du Morbihan avec en 1877 un maximum de 12,75‰ et un minimum en 1888 de 5,30‰.
La Vendée arbore un maximum de 9,65‰ en 1881 et un minimum de 3,30‰ en 1892.
Nous y avons adjoint les courbes de tendances de ces deux départements :

  • entre 1875 et 1885, la tendance est à la baisse pour le Morbihan et à la hausse pour la Vendée.
  • entre 1896 et 1901, la tendance est stable pour le Morbihan et légèrement à la baisse pour la Vendée.

En 1900, on voit la natalité s’effondrer pour l’Ille-et-Vilaine (1,66‰), la Loire-Inférieure (1,09‰ ), le Maine-et-Loire (-3,91‰ ) et la Mayenne (-4,67‰ )

Les causes possibles du phénomène

Il était admis que l’on pouvait énumérer un grand nombre de causes de la diminution de la natalité en France et chacune avait sa part dans le phénomène, on citait à l’époque :

  • les mœurs de la société parisienne et mondaine des grandes villes où la femme redoutait la maternité qui risquerait de compromettre son apparence, alourdir sa taille, altérer sa beauté et ne plus vivre dans le tourbillon des fêtes *. L’homme ne voyait en l’enfant qu’un gêneur et une source de dépense. Mais il était admis que ce n’était pas dans cette société, qui comptait que quelques milliers d’individus dans chaque grande ville, que résidait la cause de la diminution des naissances.
  • les maladies nerveuses, causes de stérilité pour certains ménages.
  • l’alcoolisme.
  • le service militaire particulièrement long qui retardait les mariages, donc les naissances **.
  • la diminution des croyances religieuses.
  • la volonté des ménages d’avoir moins d’enfants qu’autrefois. Dans les familles aussi bien dévotes que pas ou peu religieuses, dans la première année naît un enfant, si c’est un garçon, on en reste là. Si c’est une fille, un second enfant lui succède. Elles n’ont plus d’autres soucis que d’élever l’héritier. Si par malheur l’adversité fait que l’enfant décède, un autre naît très rapidement.
  • la volonté de s’élever socialement, de monter le plus haut possible. Il fallait donc rendre la charge aussi légère que possible et réduire la famille à un ou deux enfants au maximum.
    Une fois arrivé, il fallait s’y maintenir. Multiplier le nombre d’enfants multipliait leurs charges avec le risque de voir leur fortune se diviser et la famille descendre au rang inférieur.
    Ce schéma s’appliquait à toutes les populations sauf celles bien sûr qui laissaient au hasard ou à la providence de pourvoir à tout.
  • on incriminait aussi le Code civil qui avait étroitement limité la liberté de tester. Les articles qui réglaient le régime des successions, qui réglementaient rigoureusement la quotité disponible, qui obligeaient les parents au partage égal de leur fortune entre leurs enfants, étaient autant d’entraves au maintien de la fortune et du rang social pour les familles nombreuses.

*) Certains couples excluaient dès les fiançailles la naissance d’un enfant.
**) Voir article : « Mouvement de la population en 1875 – Le mariage ».

Toutes ces causes avaient une part particulière au ralentissement de la natalité. Selon le lieu, le climat, le milieu social, leurs influences pouvaient ou pas se faire sentir dans un même département.

À côté de ces familles prévoyantes, il y avait les couches où le labeur était écrasant, la sécurité nulle, sans réel avenir où la misère était endémique et où l’on vivait au jour le jour. C’était celles des métayers, des journaliers, des pêcheurs, des ouvriers d’usine que se trouvaient les classes vraiment misérables. Elles étaient très prolifiques, mais beaucoup plus par insouciance que par vertu.
Il faut noter que les enfants pouvaient être une garantie par leur prise en charge à leurs vieux jours.

A propos Michel-Claude Mahé

Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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