La consommation d’alcool pur, de vin, de cidre et de bière dans les départements de référence à la fin du XIXe siècle

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La consommation d’alcool pur, de vin, de cidre et de bière dans les départements du Morbihan, de l’Ille-et-Vilaine, de la Mayenne, du Maine-et-Loire, de la Vendée et de la Loire-Inférieure à la fin du XIXe siècle

Nous avons vu dans les articles précédents comment se répartissaient la consommation d’alcool pur puis celles des vins, des cidres et de la bière en France de 1873 à 1885 et comment elles ont progressé pendant ces treize années.
Continuons, en nous intéressant aux mêmes consommations, mais dans les départements que nous avons pris comme base de l’étude : le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine, la Mayenne, le Maine-et-Loire, la Vendée et la Loire-Inférieure.

Rappel : les contrôles, recettes ou postes liés à l’impôt dans chaque département permettaient d’avoir une idée des quantités d’alcool pur*, de vin, de cidre et de bière produites et vendues dans le pays.
Ce sont ces données, issues du rapport fait en 1887 par M. Claude (des Vosges), au nom de la commission d’enquête sur la consommation de l’alcool, que nous avons traduites sous la forme de cartes pour chaque département pendant cette période.
Certains territoires ne sont pas documentés :

  • la Corse n’étant pas soumise à la Régie ne fournissait aucun document officiel sur sa consommation des boissons alcooliques.
  • les territoires perdus en 1871. La victoire allemande ayant entraîné l’annexion de l’Alsace (excepté le Haut-Rhin) et d’une partie de la Lorraine (Moselle actuelle). La France ne les récupérera qu’en 1918 à la suite de la Première Guerre mondiale.

*) On entend par quantité d’alcool pur, la quantité d’alcool à 100° contenue dans 100 ml. Ainsi, si une boisson fait 40° (ou est concentrée à 40 %), cela signifie que 100 ml de cette boisson contiennent 40 ml d’alcool pur. Plus le degré est élevé, plus la boisson est concentrée en alcool pur.
Elle était la base de la fiscalité. Je cite : « Le droit de consommation était le droit dominant des alcools ; il est perçu sur toute quantité d’eau-de-vie, esprit, liqueur, absinthe, fruits à l’eau-de-vie, par hectolitre d’alcool pur reconnu à l’alcoomètre centésimal de Gay-Lussac, ainsi que sur les vins contenant plus de 15 degrés pour la quantité d’alcool comprise entre 15 et 21 degrés, et sur le volume total des vins présentant plus de 21 degrés. »

Consommation moyenne d’alcool pur pour chaque département de référence entre 1873 et 1885

E-1 – Les départements et leurs couleurs de référence – Dessin Michel-C Mahé

E-2 – Consommation d’alcool pur. Moyenne par tête dans chaque département
Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
E-3 – Consommation d’alcool pur. Moyenne par tête dans chaque département
Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé


Analyse

Nous l’avons déjà constaté pour l’ensemble du pays, la consommation d’alcool était bien établie et variait peu dans le temps. Pour les départements étudiés, la tendance est la même.

La Mayenne avec 7 litres et l’Ille-et-Vilaine, 5,3 litres, tiennent le haut du pavé.

En Mayenne à partir de 1883, l’abondance des cidres a permis aux fermiers d’en distiller une partie et de se procurer ainsi pour leur consommation de fortes quantités d’eaux-de-vie non soumises à l’impôt, ce qui explique la baisse importante.

La Vendée avec 1,5 litre est le bon élève.

Les autres départements, autour de 3,5 litres, sont dans la moyenne du pays, autour de 3,9 l.

E-4 – Consommation des alcools en 1873 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turcan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
E-5 – Consommation des alcools en 1881 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turcan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
E-6 – Consommation des alcools en 1885 – Moyenne par tête et an dans chaque département par Victor Turcan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé

Les maximums

E-7 – Consommation des alcools en 1881 et 1885 – Maximums par tête pour quelques villes.
Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé

Qu’en est-il des « points chauds » ?

Pour 1881, Fougères 14,26 l d’alcool pur et Mayenne 15,90 l tiennent le haut du tableau.

Pour 1881, nous avons le classement dans l’ordre suivant :
3 à 4 litres d’alcool pur : La Roche-sur-Yon ;
4 à 5 : Nantes ;
5 à 6 : Les sables ; Les Ponts-de-Cé ; Angers ;
6 à 7 : Saumur ; Vannes ; Segré ;
8 à 10 : Saint-Nazaire ; Hennebont ; Lorient ;
10 à 12 : Rennes ; Château-Gontier ; Auray ; Châteaubriant ; Laval ;
12 à 14 : Port-Louis ; Saint-Malo ;
Sup à 14 : Fougères ; Mayenne.

En 1885, en Mayenne, nous constatons une forte diminution. Comme nous l’avons vu plus haut, elle est certainement due à la permission de distiller des cidres pour la consommation personnelle des fermiers. Cette partie échappait à l’impôt et aux statistiques.

La Vendée est toujours le bon élève.

Commentaires de médecins sur la consommation de l’alcool.

Il m’a semblé intéressant de joindre des extraits de rapports rédigés par les médecins en chef d’asiles d’aliénés des départements de la Vendée, d’Ille-et-Vilaine et Mayenne. Ils étaient en contact avec les cas les plus difficiles du point de vue de l’alcoolisme, mais devaient avoir une bonne idée de la situation sanitaire de la population générale.

Vendée

Un rapport du directeur, médecin en chef, de l’asile public d’aliénés de la Roche-sur-Yon en 1887 , semble expliquer les très bons résultats de la Vendée en matière de consommation d’alcool pur et nous verrons par la suite le cas du vin. Selon lui :
« L’alcoolisme n’a fait aucun progrès réel depuis vingt-cinq ans (1861 à 1885)… La cause en est que, jusqu’à présent, les conditions économiques du pays au point de vue du commerce des boissons n’ont subi aucune modification importante.
La boisson généralement usitée, celle qui est préférée par les buveurs, est un vin blanc récolté dans le pays même. Le prix en est peu élevé, de sorte que le commerce n’a aucun intérêt sérieux à le frauder. Comme il ne voyage pas et est entièrement consommé dans la région, on n’éprouve pas la nécessité d’y ajouter des alcools d’industrie. Il est, en définitive, absorbé à l’état naturel. J’ai cependant ouï dire que la consommation des eaux-de-vie de commerce prenait, dans les cabarets, une extension de plus en plus grande depuis quelques années, mais je suis tenté de croire, en présence des résultats statistiques… qu’on a surtout pris des craintes pour des réalités. Cela peut être exact pour les années où la récolte du vin a manqué, mais je crois, d’une façon générale, que l’attachement du Vendéen pour son petit vin blanc, l’emporte sur les importations nouvelles. »

Ille-et-Vilaine

Extrait du rapport du directeur, médecin en chef, de l’asile d’aliénés de Rennes (Ille-et-Vilaine).
« Dans la classe aisée on boit généralement des alcools de bonne qualité.
En effet, les malades qui avouent avoir fait des excès alcooliques reconnaissent avoir pris de nombreux petits verres de cognac ou d’eau-de-vie, ne faisant à ce sujet aucune différence, et étant bien incapables de nous renseigner sur la nature des alcools. Toutefois, ces alcools sont fournis à un si bas prix qu’ils ne peuvent être que des alcools d’industrie souvent falsifiés ou avariés. Pour un sou, nous disent les malades, on nous donne au moins la contenance d’un verre à bordeaux d’eau-de-vie.
En résumé, les statistiques démontrent que l’alcoolisme et la paralysie générale, qui tient souvent à la même cause, n’ont fait que progresser pendant ces 25 dernières années, et que l’alcoolisme fait de nombreuses victimes, principalement dans la classe peu aisée. »

Mayenne

Extrait du rapport directeur, médecin en chef, de l’asile d’aliénés de la Roche-Gandon (Mayenne).
« Les abus alcooliques sont très fréquents dans la Mayenne ; mais le vin y est un objet de luxe : on y boit surtout du cidre, et les bouilleurs de cru y jouent un grand rôle, au point que l’on n’y connaît guère, dans la consommation ordinaire, que l’eau-de-vie de cidre, qui pénètre même dans les débits et tend à y réduire sensiblement la vente de l’eau-de-vie du commerce. »


Consommation moyenne des vins pour chaque département de référence entre 1873 et 1885

E-8 – Consommation des vins en France en 1873 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turquan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
E-9 – Consommation des vins en France en 1885 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turquan Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé

Commentaires de médecins sur la consommation des vins.

Vendée

Nous allons reprendre le rapport du directeur, médecin en chef, de l’asile public d’aliénés de la Roche-sur-Yon en 1887 qui nous décrit le rapport des Vendéens avec le vin. Je cite :

« La boisson généralement usitée, celle qui est préférée par les buveurs, est un vin blanc récolté dans le pays même.
Le vin blanc, récolté en quantité assez considérable en Vendée, est âpre, d’une acidité extraordinaire ; il faut un certain courage pour le boire quand on n’y est pas habitué ; mais les indigènes en font leurs délices. Son degré alcoolique est en moyenne de six à sept pour cent ; huit dans les bonnes années et pour les vins de choix. Le prix en est peu élevé, de sorte que le commerce n’a aucun intérêt sérieux à le frauder. Comme il ne voyage pas et est entièrement consommé dans la région, on n’éprouve pas la nécessité d’y ajouter des alcools d’industrie. Il est, en définitive, absorbé à l’état naturel.
J’ai cependant ouï dire que la consommation des eaux-de-vie de commerce prenait, dans les cabarets, une extension de plus en plus grande depuis quelques années, mais je suis tenté de croire, en présence des résultats statistiques précédents, qu’on a surtout pris des craintes pour des réalités. Cela peut être exact pour les années où la récolte du vin a manqué, mais je crois, d’une façon générale, que l’attachement du Vendéen pour son petit vin blanc, l’emporte sur les importations nouvelles.
Notre statistique montre que le nombre des individus que les excès de boisson conduisent à l’asile d’aliénés est cependant considérable (quinze à vingt pour cent). Cela tient au tempérament, aux habitudes et au goût de la population vendéenne qui est universellement portée aux excès de boisson.
Si le Vendéen est ivrogne, il devient toutefois rarement alcoolique, au sens étroit du mot :

  • 1er parce qu’il consomme surtout du vin, dont la nocivité est faible comparée aux boissons fabriquées avec les alcools d’industrie ;
  • 2e parce que ses excès sont ordinairement intermittents et restreints aux dimanches, fêtes, foires et marchés. Ces jours-là, tous boivent outre mesure ; la plupart même s’enivrent abominablement, mais ces excès n’ont pas de lendemain, et le poison s’élimine rapidement, grâce à la sobriété des jours ouvrables. »

Consommation moyenne des cidres pour chaque département de référence en 1885

E-10 – Consommation des cidres en France en 1885 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turquan.
Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé

La consommation des cidres est surtout cantonnée aux Morbihan, à l’Ille-et-Vilaine.

Consommation moyenne de la bière pour chaque département de référence en 1885

E- 11 – Consommation de la bière en France en 1885 – Moyenne par tête dans chaque département par Victor Turquan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé

A propos Michel-Claude Mahé

Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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