Premier voyage de l’Impératrice Eugénie – 16 février au 15 avril 1865 – L’équipage

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Dans l’article précédent, nous nous sommes attachés à décrire l’Impératrice Eugénie, ses caractéristiques et ses performances. Je vous propose d’évoquer maintenant son équipage lors de son premier voyage en considérant leur nombre à bord, leur âge, leur salaire, d’où ils venaient selon leur lieu de naissance.

Premier voyage de l’Impératrice Eugénie – 16 février au 15 avril 1865

La ligne du Mexique

AA-1 – Premier voyage de l’Impératrice Eugénie – 16 février au 15 avril 1865
Dessin Michel-Claude Mahé

Rappel *

La loi du 3 juillet 1861, confirma la concession des services postaux de New York et des Antilles faite à la Compagnie générale maritime représentée par M. Émile Pereire. Cette dernière, en vertu du décret impérial du 22 juillet 1861, approuvant ses nouveaux statuts, prit le nom de Compagnie générale transatlantique.
À partir de janvier 1862, la France envoya un corps expéditionnaire au Mexique pour mettre en place un régime favorable à ses intérêts. Pour obtenir plus fréquemment des nouvelles de celui-ci et donner ses directives, le gouvernement demanda à la Compagnie générale transatlantique d’ouvrir immédiatement la ligne entre Saint-Nazaire et Vera-Cruz (graphie de l’époque) via la Martinique et Santiago de Cuba. Elle fut inaugurée le 14 février 1862 par le paquebot à hélice la Louisiane.
Le 16 février 1865 à 18 h 00, l’Impératrice Eugénie, premier navire construit dans les chantiers Scott à Saint-Nazaire prit le départ pour Vera-Cruz via Fort de France et Santiago de Cuba.

* Voir l’article : « 1862 – La Compagnie générale transatlantique – La Ligne du Mexique ».

AA-2 – Rôle d’équipage de l’Impératrice Eugénie (extrait)
Source archives départementales de Loire-Atlantique

Le rôle d’équipage

Toutes les données que nous allons traiter sont issues du rôle d’équipage de l’Impératrice Eugénie lors de son voyage du 16 février au 15 avril 1865.
Le rôle d’équipage est, je cite : « l’état certifié de toutes les personnes qui se trouvent à bord d’un navire, obligatoire pour tous bâtiments ou embarcations, exerçant une navigation maritime, que le navire soit à voiles ou à vapeur. »
« Il s’applique à tout bâtiment ou embarcation naviguant sur la mer, dans les ports, sur les étangs ou canaux où les eaux sont salées, el jusqu’aux limites de l’inscription maritime sur les fleuves et rivières affluant directement ou indirectement à la mer. Le capitaine doit avoir son rôle à bord, de manière à pouvoir l’exhiber immédiatement à la réquisition de qui de droit.»
« Le rôle d’équipage est renouvelé à chaque voyage pour les bâtiments armés au long cours, et tous les ans pour ceux armés au cabotage ou à la petite pêche. Il contient les noms, prénoms, domiciles et professions de toutes les personnes, matelots ou passagers, embarquées sur le navire, et la qualité en laquelle elles s’y embarquent.»
« À l’arrivée dans un port, le rôle d’équipage doit être remis au commissaire de l’inscription maritime ou au consul. »
« Les actes de naissance, disparition, décès sont inscrits sur le rôle d’équipage, de même que les testaments et tout acte touchant à l’état civil. Le débarquement d’office, la remise des effets du décédé ou malade au consulat, l’engagement en cours de voyage, le remplacement d’un homme d’équipage ou du capitaine, etc. sont autant de circonstances de la navigation à insérer sur le rôle. »
« Mais, au point de vue commercial, l’importance du rôle se manifeste surtout en ce qui concerne l’engagement des gens de mer. Il doit, en effet, contenir la déclaration des salaires du capitaine et de l’équipage. »
« Enfin, la mention des salaires sur le rôle est très importante en ce qui touche la retenue à opérer par la caisse des invalides. »

Les conditions des engagements à la Compagnie générale transatlantique en 1865

« L’Équipage s’engage envers la Compagnie Transatlantique, pour un temps qui reste indéterminé, à naviguer indifféremment sur l’un des quatre Paquebots faisant la ligne du Mexique ; cependant, comme cet engagement ne peut se prolonger indéfiniment, l’Équipage pourra demander son débarquement ou être congédié d’office par la Compagnie après chaque voyage effectué. A cet effet, il sera procédé comme suit : à l’arrivée de chaque Paquebot, tout l’équipage devra rester à son poste pendant les huit jours qui suivront l’entrée au bassin, si la Compagnie le juge nécessaire, afin de pouvoir faire la propreté générale et le débarquement des marchandises et des vivres.
Cette opération terminée, la Compagnie remettra au Commissaire de la Marine la liste des hommes qu’elle désirera débarquer d’office ; le même jour, c’est-à-dire la veille du paiement des gages, les hommes de l’équipage qui désireront quitter la Compagnie, le feront connaître à leur capitaine, qui les interrogera à cet effet, et en remettra la liste au Commissaire de la Marine. Ceux des hommes qui n’auront pas demandé leur débarquement le jour ci-dessus indiqué, seront considérés comme engagés pour un nouveau voyage et pourront, au gré de la Compagnie, être passés sur l’un des trois autres Paquebots faisant la ligne du Mexique.
Ces conditions ne sont point applicables au personnel Officier ni au premier Maître-d’Hôtel (graphie de l’époque), qui pourront débarquer ou être débarqués par la Compagnie, à quelque moment que ce soit, lorsque le bâtiment sera en France.
La Compagnie entend ne payer aucune conduite aux hommes débarqués pour quelque motif que ce soit, à moins de conventions spéciales ; elle se réserve, en outre, la faculté, lorsqu’elle ne pourra ou ne voudra pas nourrir l’équipage, de lui accorder une indemnité de nourriture, pendant le séjour du bâtiment dans les ports de France ; cette indemnité est fixée comme suit :
Officiers : 4 fr.
Sous-officiers : 2 fr.
Marins : 1 fr. 50
Par mesure administrative, le Rôle d’équipage sera renouvelé tous les six mois, mais cette disposition n’ayant lieu que par ordre, elle n’influe en rien sur la durée de l’engagement de l’équipage.
Les gens de service débarqués pour quelque motif que ce soit perdent droit à leur part, dans leurs gratifications de la Compagnie et celles des passagers.

L’Agent de la Compagnie. Vial »

L’équipage embarqué à Saint-Nazaire le 16 février 1865

AA-3 – Composition de l’équipage embarqué à Saint-Nazaire le 16 février 1865
Dessin Michel-Claude Mahé

Analyse du tableau AA-3

L’équipage complet était composé de 160 personnes (pont : 50 ; machines : 62 ; service des passagers : 46 ; santé : 2).

Âge
Les fonctions sont hiérarchisées pour les quatre services. Les plus hautes sont confiées à des hommes d’expérience donc, en général, plus âgés que leurs subordonnés.
L’âge du personnel du pont et machines n’excède pas 40 ans.
Le cuisinier, 64 ans et un garçon, 65 ans sont les plus âgés du service des passagers.
Le plus jeune du bord est le mousse avec 12 ans.

Salaires

Les salaires, à quelques exceptions près, pour le pont et les machines étaient prédéfinis à l’embauche. Ceux du personnel de service étaient négociables.
Le salaire était mensuel et était sujet à un prélèvement pour la Caisse de prévoyance. L’équipage recevait un mois net d’avance à l’embarquement. Le solde était payé à un débarquement ou au désarmement du navire.
L’agent des postes n’était pas rémunéré par la compagnie.

Officiers de pont et machines :

– le capitaine, le chef mécanicien, le docteur avaient les plus hauts salaires (500 francs) et étaient les plus âgés.
– Les rémunérations diminuaient lorsque l’on descendait en grade et passaient de 350 à 150 francs pour les lieutenants et de 90 à 120 francs pour les élèves mécaniciens.

Personnel du pont :

– le maître d’équipage avait le plus haut salaire 140 francs et les premiers charpentiers pas moins de 100 francs ;
– les matelots et les novices avaient respectivement 60 et 40 francs. Les mousses 25 francs.

Personnel des machines :

– les premiers chauffeurs et les graisseurs touchaient 100 francs ; les chauffeurs 80 à 90 francs, les soutiers de 60 à 70 francs. Ces hommes de base étaient mieux payés que leurs collègues ponts ;
– hormis les mousses et les novices, les hommes des deux premières catégories ne touchaient pas moins de 60 francs.

Personnel au service des passagers :

– les meilleurs salaires étaient dans l’ordre : le premier cuisinier 225 francs, l’économe 200 francs, les seconds cuisiniers 125 à 100 francs. ;
– hormis les aides de cuisine et le laveur de vaisselle, les salaires des personnels oscillaient entre 70 et 100 francs. Ils étaient mieux payés que leurs collègues du pont ;
– il y avait deux femmes de chambre à bord payées 70 francs.
On devine l’importance de la cuisine et les soins prodigués par ce personnel auprès des passagers.

D’où venaient-ils ?

Continuons notre étude pour voir, par curiosité et pour ce seul voyage, d’où venaient ces marins. J’ai conscience que les chiffres les plus importants sont probablement significatifs cependant, pour les autres, il est difficile de tirer des conclusions avec si peu de données. Une étude sur plusieurs voyages serait certainement intéressante. Voilà de quoi occuper les longues soirées d’hiver.
Le rôle d’où nous avons extrait ces données porte rarement l’adresse du domicile lors de l’engagement. On sait que certains logeaient à Saint-Nazaire, des indications sur les dettes contractées en sont la preuve.

AA-4 – Membres de l’équipage selon leur lieu de naissance
Dessin Michel-Claude Mahé

Carte AA-4. Ensemble de l’équipage.

L’équipage était de 160 personnes, mais une femme de chambre (Leroux Eugénie, Jeanne, Yvonne) n’a pas d’état civil (date et lieu de naissance inconnus) les calculs ont été faits sur 159 personnes.
Les départements bretons : Loire-Inférieure (42, 26 %) ; Morbihan (32, 20 %) ; Côtes-du-Nord (11, 7 %) ; Finistère (9, 6 %) ; Ille-et-Vilaine (5, 3 %) apportaient 62 % de l’équipage.

AA-5 – Membres de l’équipage pont selon leur lieu de naissance
Dessin Michel-Claude Mahé

Carte AA-5. Équipage pont

C’était des hommes venant de départements ayant essentiellement un accès avec la mer : Morbihan (21, 13 %) ; Loire-Inférieure (16, 10 %) ; Côtes-du-Nord (5, 3 %).

AA-6 – Membres de l’équipage machines selon leur lieu de naissance
Dessin Michel-Claude Mahé

Carte AA-6 Équipage machines

Les quatre départements bretons : Loire-Inférieure (15, 9 %) ; Morbihan (6, 4 %) ; Finistère (8, 5%) ; Côtes-du-Nord (4, 2,5%) apportaient les contingents les plus élevés.

AA-7 – Membres de l’équipage service passagers et santé selon leur lieu de naissance
Dessin Michel-Claude Mahé

Carte AA-7. Équipage services passagers

Le personnel de la Loire-Inférieure (11, 7 %) ; Morbihan (5, 3 %) était le plus important. On peut supputer l’influence de la ligne de chemin de fer Paris-Orléans-Saint-Nazaire qui a certainement facilité les déplacements dans les départements traversés.

Mises à jour :
03/08/2024 : Ajout : « Le salaire était mensuel et était sujet à un prélèvement pour la Caisse de prévoyance. »

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Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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