Compagnie générale transatlantique – Les ports de la ligne du Mexique autour de 1862 – La Vera-Cruz – Les conditions environnementales

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Compagnie générale transatlantique – Les ports de la ligne du Mexique autour de 1862 – La Vera-Cruz – La ville

Dans le fumoir du paquebot de la Compagnie générale transatlantique, en route pour Vera-Cruz, mes compagnons de voyage m’avaient mis en garde : “Les voyageurs fraîchement débarqués à Vera-Cruz se voient confrontés aux aléas d’un climat tropical qui peut, selon la saison, présenter quelques difficultés.” Et chacun de raconter les anecdotes, les histoires, entendues ou vécues lors de leurs précédents voyages.
Je vous propose, dans ce nouvel article, de survoler ces principaux “aléas” : le vent du Nord, la qualité de l’eau, la fièvre jaune.
Vera-Cruz était le royaume de la fièvre jaune et elle était redoutée des voyageurs non acclimatés. Lorsqu’elle sévissait, ils s’empressaient de quitter la ville. Et il est dit que parfois, juste en la traversant, ils pouvaient être contaminés.

Les ports de la ligne du Mexique autour de 1862

La Vera-Cruz – Les conditions environnementales

AJ-1 – Modèle de climat de La Vera-Cruz Graphe et fièvre jaune – Dessin Michel-Claude Mahé

Le Climat

Le graphique AJ-1, ci-dessus, montre l’intensité des différents paramètres climatiques et la période où la fièvre jaune sévissait. C’est un modèle général, il n’est pas lié à une année particulière.
On distingue en général :
-) une saison sèche avec de faibles températures et des précipitations quasiment nulles de décembre à avril.
-) une saison humide avec de hautes températures et de très fortes précipitations entre juin et octobre.
-) entre novembre et mars, les jours peuvent être frais et venteux. Lorsque le vent du Nord souffle, la température peut descendre à 10°C la nuit et autour de 20° le jour.
-) de juin à novembre, avec une probabilité plus élevée d’août à octobre, le vent peut être d’une violence extrême.

Fuyant les fortes chaleurs, les riches habitants, non retenus par des affaires importantes ou des intérêts majeurs, quittaient la ville pour aller chercher la fraîcheur et les charmes de Jalapa *.
Selon M. de Humboldt **, « Pour arriver à Vera-Cruz, il faut choisir entre .la saison des tempêtes et la saison de la fièvre jaune. »

*) Jalapa, maintenant Xalapa, à 1 300 mètres au-dessus de la mer, est bâtie sur une des terrasses par lesquelles le plateau central s’abaisse sur le golfe du Mexique, dans la zone des terres tempérées (tierra templada). Les voyageurs parlaient d’elle comme un paradis terrestre au printemps perpétuel où le sol donnait en abondance une variété de productions sans pareille.
**) Alexander von Humboldt (1769-1859), naturaliste, géographe et explorateur allemand, membre associé de l’Académie des sciences française et président de la Société de géographie de Paris.

Le Norte

Il ne m’est pas dans mes habitudes d’utiliser les citations, cependant celle-ci me semble si bien écrite pour décrire ce fameux vent du nord : « Ici, la tempête, c’est le vent du nord, et quand il souffle, rien ne peut donner une idée de sa violence. Il accourt par terribles rafales, soulevant des tourbillons de sable qui pénètrent les habitations les mieux closes ; aussi, dès les premiers symptômes, tout se forme, les barques rentrent, on les enchaîne ; les navires doublent leurs ancres, le port se vide, tout mouvement est suspendu, la ville paraît déserte et inhabitée. Un froid subit envahit l’atmosphère ; le cargador * s’enveloppe, grelottant dans sa couverture ; le paletot de laine remplace la jaquette de toile : on gèle. Le môle disparaît sous les vagues énormes que soulève la tempête ; les vaisseaux se heurtent dans le port, et les vapeurs se hâtent de prendre le large pour éviter un naufrage. ».

Alors les habitants barricadaient leur porte. Dans la rue, la force du vent était telle que les passants, rasant les murs, luttaient de toute leur force contre lui ou, soulevés par les rafales, ils faisaient des pas de géant puis l’instant d’après perdaient le bénéfice du chemin accompli avec difficulté. Un paradoxe ! le climat devenait bon pour les voyageurs non acclimatés et il était alors considéré comme l’un les plus sains du Mexique.

*) Cargador : porte-faix, celui qui porte des charges.

AJ-2 – Le réservoir au pied d’un meganos connecté à la Noria. Fragment de carte de la côte de Vera-Cruz probablement réalisée en 1846. Source : Bibliothèque du Congrès

La qualité de l’eau

Avant la mise en place de l’aqueduc qui amenait l’eau du Rio Jamapa dans les fontaines de Vera-Cruz, les habitants buvaient celle des ruisseaux collectée au pied d’un meganos et acheminée à la noria qui élevait l’eau et la répandait dans tous les quartiers. En 1862, elle n’était plus qu’une ruine.
On utilisait aussi des citernes dans lesquelles était précieusement collectée l’eau qui tombait en grande quantité à la saison des pluies. Les plus riches en possédaient dans leur maison. Elle était mauvaise mais meilleure que celle des ruisseaux viciés par le mélange de celle des marais. La garnison du château de Saint-Jean de Ulúa jouissait de citernes remarquables par leurs dimensions colossales, bien construites et entretenues, ce qui n’était pas toujours le cas de celles en ville. Les citernes du château ont souvent suppléé à l’alimentation de la ville entière pendant les sécheresses.

Les porteurs d’eau (los aguadores), chemise immaculée, pantalon de toile, large sombrero sur la tête, approvisionnaient les quartiers avec leur mule chargée de deux barils. Ils prenaient leur eau à l’un des rares réservoirs disséminés par les rues de la ville.

La fièvre Jaune

La proximité des marécages, l’étouffante chaleur produite par la réverbération des rayons d’un soleil brûlant sur les meganos embrasant l’atmosphère, généraient un climat des plus malsains que l’on connaisse. Ces conditions, accentuées par un manque d’eau potable, étaient propices à rendre la fièvre jaune endémique. Elle était connue sous le nom de vomito negro *. Un chroniqueur n’écrivait-il pas : « Ce fléau des ports de l’Amérique équinoxiale semble depuis longtemps avoir choisi Vera-Cruz pour son quartier-général ».

*) Un chroniqueur écrivait en 1863 : « Ce n’est pas seulement la mort qu’on redoute dans cette maladie, ce sont les souffrances qui la précèdent. La vie semble se réfugier dans le cerveau, et on ne la sent que par les douleurs aiguës qui l’accompagnent. Le malheureux qui est atteint de la fièvre jaune commence par ressentir de violents maux de tête, d’yeux et de reins. Bientôt son corps entier s’affaisse et semble brisé, comme celui d’un homme torturé ; puis arrivent les vomissements. Un sang noir sort de la bouche, du nez, des oreilles ; il ne reste plus d’autre sentiment que celui de la douleur ; la voix s’exhale en cris déchirants… C’est encore un bonheur quand la force du mal absorbe entièrement les facultés du malade ! Celui qui conserve toute sa connaissance souffre doublement. »

Au milieu des épidémies, les natifs et les étrangers déjà acclimatés depuis quelques années jouissaient d’une parfaite santé.
L’intensité des épidémies augmentait ou diminuait au rythme de l’apparition des vents du Nord. Lorsqu’ils commençaient à souffler en novembre, la température se trouvait alors considérablement refroidie. La fièvre jaune était toujours présente mais faisait très peu de malades. Fin avril, lorsque les vents du Nord se taisaient, elle devenait d’une violence extrême et faisait alors des ravages.
Son apparition était liée à trois causes principales : une forte chaleur, le voisinage de lieux marécageux et un apport de personnes non acclimatées. Si l’un des facteurs manquait, elle diminuait et même quasiment disparaissait.

Lorsqu’elle sévissait, il arrivait fréquemment que des voyageurs qui simplement traversaient la ville, pour un embarquement ou à l’inverse quittaient le môle pour aller dans les terres, contractaient la maladie. Ils mouraient alors en mer ou sur la route.
L’équipage entier d’un navire en rade, dès lors qu’il passait la nuit sur le pont pour profiter de la relative fraîcheur de la nuit des tropiques, pouvait être contaminé par les effluences pernicieuses apportées par le vent de terre.

Lors de l’intervention française du Mexique, les soldats occupant Vera-Cruz furent décimés par la fièvre jaune. On les remplaça par des bataillons de noirs qui résistaient mieux que les Européens.


Mises à jour : 25/04/2025 – Ajout paragraphe et note sur Alexander von Humboldt

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Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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