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Petite histoire de la propulsion motorisée des bateaux
La société Pierre Andriel Pajol et Cie
Le Margery (l’Élise)

Je prends toujours un réel plaisir de découvrir comment des entreprises au 19e siècle se sont constituées et quelle problématique s’est posée pour leur constitution, leur fonctionnement et… leur déclin. Depuis quelques mois je vous propose d’étudier en détail celles initiées par Pierre Andriel qui fut tour à tour : négociant, armateur et même corsaire en Allemagne, homme d’affaires en France et en Italie.
Nous avons vu dans le dernier article qu’Andriel et Pajol avaient constitué une société pour exploiter un brevet d’importation de quinze ans, obtenu en janvier 1815, pour des procédés de construction de bateaux à vapeur.
En attendant la construction et la mise en service de ses propres bateaux, la société acquit à Londres le Margery, qui deviendra par la suite l’Élise, pour une exploitation sur la Seine. Avant d’être acheté, ce bateau avait déjà une histoire, c’est l’objet de cet article.
Positionnement de nos propos dans la chronologie du développement des navires à vapeur en France

Dessin Michel-C Mahé
Le Margery (L’Élise)
En février 1816, Pierre Andriel s’associa avec le lieutenant- général Pajol *, soutenu par MM. Perregaux, Lafitte et compagnies banquiers à Paris, pour exploiter les brevets d’importation et de perfectionnement des bateaux vapeur obtenus par la première société Andriel, Perrin et compagnie.
*) Voir articles : « Les protagonistes : Pierre Andriel (1782-1869) » et « Les protagonistes : le général Pierre Pajol ».
Mi-janvier 1816, Pierre Andriel partait pour Londres pour choisir et acheter l’un des trois bateaux à vapeur qu’il savait s’y trouver. Deux ingénieurs français l’accompagnaient pour étudier les derniers perfectionnements apportés par les Anglais dans la construction des machines à vapeur. *
*) L’un s’appelait M. Ferry, ami de Gaspard Monge (mathématicien et homme politique). Il était examinateur à l’école de Metz.
Pierre Andriel acquit le Margery *, construit aux chantiers Archibald Mc Lachlan à Dumbarton (Écosse) et lancé en juin 1814.
*) Diminutif de Margaret.

Le Margery
Le Margery a été construit à Dumbarton (Écosse) et lancé en juin 1814. C’était un bateau en bois s’apparentant à un bateau de pêche, sans superstructures avec une propulsion vapeur à haute pression de 10 chevaux actionnant deux roues à aubes.
Caractéristiques :
Constructeur :
Archibald McLachlan à Dumbarton.
Le certificat de construction, daté du 5 novembre 1814, était au nom de William Denny. Il était vraisemblablement à cette époque le gérant de McLachlan.
Coque * :
-) en bois ;
-) jauge brute : 39 bm ;
-) longueur : 63 ft 0 in (19.2 m) ;
-) largeur de la coque : 12 ft 0 in (3.66 m) ;
-) largeur hors tout ; ? ;
-) tirant d’eau : 5 ft 6 in (1,68 m).
*) Les dimensions sont données en pied anglais égal à 30,48 cm.
Emménagements :
Selon un chroniqueur, le navire est très spacieux et peut accueillir 300 personnes.
Machine :
-) constructeur, James Cook, Glasgow, en Écosse ;
-) « SL1cyl 22″x24″ » mécanisme à levier latéral, d’une puissance nominale de 10 hp (7,46 kw) ; 1 cylindre de 22 in. (0,56 m) de diamètre par 24 in. (0,61 m) de course.
Historique des propriétaires :
-) décembre 1814 : William Anderson & John McCubbin (Glasgow) et Thomas Hall, James Huntley, John Cathcart & Anthony Cortis (London Steam Engine Packet Co) ;
-) avril 1815 : Anthony Cortis & autres (London Steam Engine Packet Co), Londres – reg Londres ;
-) 1816 : Andriel Pajol et Compagnie, Paris.
Historique du navire :
-) juin 1914, lancement aux chantiers Archibald McLachlan à Dumbarton, Écosse ;
-) novembre 1814, il est acheminé à Londres via le canal de Forth & Clyde dans lequel il est remorqué, car les roues et leur protection ont dû être retirées pour qu’il soit dans le gabarit du canal ;
-) 23 janvier 1815 (?), mise en service passagers entre Londres et Gravesend ;
-) juin 1815, son service est suspendu par une action en justice des bateliers de la Tamise ;
-) novembre 1815, il reprend son service Londres et Gravesend ;
-) 9 au 15 mars 1816, voyage de Londres à Newhaven ;
-) 17 au 18 mars 1816 premier bateau à vapeur à traverser la Manche de Newhaven au Havre ;
-) 20 mars au 29 mars 1816, il remonte la Seine, sous le nom de L’Élise, jusqu’à Paris avec une escale à Rouen ;
-) 17 avril 1816, il commence son service de passagers, sur la Seine, entre Elbeuf à Rouen.

Ce bateau avait déjà fait ses preuves en mer puisqu’en novembre 1814, à sa livraison, il gagna Londres via le canal de Forth & Clyde dans lequel il fut remorqué, car les roues et leur capot ont dû être retirées pour qu’il puisse passer au gabarit du canal. Il fit le reste du trajet par ses propres moyens. Il arriva sain et sauf à Londres le 24 décembre 1814.
Un chroniqueur anglais écrivait à propos de ce voyage : « Il est arrivée en toute sécurité après un voyage très rapide ; une preuve convaincante que les bateaux à vapeur peuvent prendre la mer en toute saison de l’année ». Il fut mis en service entre Londres et Gravesend.

Il semble que c’est à partir de mi-février * que le Margery, capitaine Cortis, démarra son service de passagers entre Londres et Gravesend (environ 41,8 km). Il est parti à 10 heures, de Wapping Old Stairs, près des docks de Londres, pour Milton, un village situé à environ un mile en aval de Gravesend, et en est reparti le lendemain.
*) D’autres sources indiquent 23 janvier.
Il a effectué son voyage inaugural en deux heures et quart. La distance étant de 41,8 km soit 22,5 nautiques parcourus en 2,25 h sa vitesse était donc d’environ 10,5 nœuds.
Il a consommé, durant le voyage, un « demi-chaldron » * de charbon soit 610 kg soit 244 kg par heure.
*) La valeur généralement donnée pour le « chaldron de Newcastle » est de 53 Cwt, et celle du « chaldron de Londres », 27 Cwt sachant que Cwt vaut 50,8 kg , le « chaldron de Newcastle » correspond à un poids de charbon d’environ 2692 kg, celui du « chaldron de Londres », 1372 kg.
(Voir : Documentation – Comparaison des mesures anglaises avec les poids et mesures du système métrique)
L’annonce publiée dans la presse précisait : « Ledit paquebot étant parfaitement équipé, les passagers et leurs bagages seront transportés avec plus de rapidité et de sécurité que tout autre moyen de transport, par voie maritime ou terrestre, et dans des conditions de sécurité optimales. Les passagers sont priés d’être ponctuels à l’heure indiquée. »
Le Margery partait tous les matins, sans exception, à neuf heures de Wapping Old Stairs, arrivait à Milton vers une heure et repartait régulièrement à trois heures pour arriver à Wapping à sept heures. Le prix du billet est de 4 shillings pour la meilleure cabine et de 2 shillings pour les autres.
Le débarquement des passagers se faisait sans l’aide de barques, une plateforme latérale était déployée jusqu’au quai, évitant ainsi non seulement tout danger, mais aussi les extorsions pratiquées par les bateliers.
En juin 1815, son service était suspendu par une action en justice des bateliers de la Tamise. Une loi du parlement, votée sous le règne d’Élisabeth première, accordait un monopole aux bateliers de Gravesend ; de ce fait, ceux-ci, refusant ce nouveau progrès, faisaient tout leur possible pour entraver le service de la Margery. Il faut noter que leurs bateaux à voile pouvaient mettre jusqu’à vingt-quatre heures pour ce court trajet.
Le Margery reprenait son service en novembre de la même année.