Un exercice de sécurité improvisé.

Chaque famille possédait un petit jardinet où étaient cultivés les légumes et les fruits pour améliorer l’ordinaire.  Le nôtre était contigu à celui de deux de nos voisins. Haricots, pommes de terre, aulx, oignons, salades y étaient cultivés. Par soucis d’économie utiliser le service d’eau pour l’arrosage était exclu. L’eau de pluie était récupérée dans des fûts et répandue parcimonieusement avec un arrosoir. 

Un brugnonier nous donnait quelques rares fruits mais ceux des quelques rangs de fraisiers, en marinant souvent dans un mélange d’eau et de vin sucré, faisaient d’excellents desserts.

Ma mère adorait les fleurs : marguerites, gaillardes, cosmos s’égrenant d’une année à l’autre, pois de senteur escaladant le grillage de la clôture donnaient des couleurs à notre jardin.

Nous avions aussi quelques lapins, nourris le plus souvent des épluchures et du fourrage que nous allions chercher dans les prés. Le dépeçage se faisait dans le caveau. La pauvre bête était pendue par les pattes arrière. On lui crevait un œil pour récupérer le sang, puis la peau était cisaillée au niveau des chevilles arrière. Promptement mon père enlevait d’un coup la peau jusqu’au cou. J’ai assisté plusieurs fois à cette opération et je n’ai pas le souvenir d’avoir été impressionné, c’était dans la nature des choses. C’était aussi l’espérance d’un civet ou d’un excellent pâté. 

Le jardin était le domaine de Mistigris notre chat qui passait son temps à errer dans le quartier.

Très longtemps après, lorsque j’eus le temps de jardiner, je me suis surpris à refaire les gestes appris avec mon père et je compris alors la valeur de ces petites choses qui composent l’héritage transmis. Ma mère m’a donné la passion des fleurs.

 

Un exercice de sécurité improvisé.

Un soir ma mère a demandé à mon père de lui expliquer le fonctionnement de l’extincteur placé près de la porte d’entrée qui donnait directement dans la salle de séjour car le matin même j’avais mis le feu à la crèche de Noël.

Profitant d’un instant d’inattention de celle-ci j’avais rajouté une petite bougie allumée au fond de la grotte entre le bœuf et l’âne pour faire joli. Le papier crèche s’enflamma, ma mère alertée par mes cris eut juste le temps d’éteindre le début d’incendie.

Après ce malheureux épisode le maniement de l’extincteur lui parut essentiel.

Rappelons qu’il était constitué d’un cylindre d’acier avec sur la partie supérieure une gâchette avec sa goupille de sécurité et une buse où jaillissait le gaz pour attaquer et étouffer le feu.

Pour montrer combien il était facile de l’utiliser mon père lui proposa une petite démonstration. Il l’enleva de son support, retira la goupille, retourna l’extincteur et pressa la gâchette une gerbe de gaz blanchâtre fusa vers la table de la salle de séjour, ma mère cria, mon père surpris mis quelques secondes pour la relâcher… trop tard le mal était fait.

Ce genre d’extincteur était à usage unique car à l’intérieur une ampoule se brise au retournement. Il  pensait que le fait de relâcher la gâchette et de le remettre à l’endroit le processus s’arrêterait. Un  liquide brun continuait de suinter de la buse car elle ne devait pas être étanche. Très vite l’extincteur fut évacué dans le jardin.

Ma mère était très fâchée car elle craignait que le liquide n’attaquât la patine de notre grande table ronde et massive aux pieds sculptés témoin de jours bien meilleurs et qu’elle entretenait amoureusement à la cire d’abeille.

Ce soir là le diner fut silencieux, pour nous cela ne changeait rien il nous était interdit de parler à table sauf si on nous interrogeait, mais ce qui m’ennuyait c’était la décision irrévocable de nos parents de ne plus faire de crèche…

ExerciceSécuritéImprovisé

A propos Michel-Claude Mahé

Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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