Je fis mon entrée, en cours d’année, à l’école de garçons St-Joseph, rue des frères Monvoisin, à Méan. C’était une école chrétienne, bien que les instituteurs et institutrices fussent tous des laïcs.
Ecole Saint-Joseph de Méan – Situation
Ecole Saint-Joseph de Méan – Plan
Elle était très récente et moderne. Le bâtiment principal comportait quatre classes (1) distribuées par un grand couloir vitré (2) qui donnait sur le terrain de plein-air (3).
Les classes donnaient sur la cour (4) avec ses tilleuls plantés par des parents d’élèves dont mon père.
En face, de l’autre côté de celle-ci, la maison du directeur M. Joseph Pény (5). Le mur du préau (6) nous séparait de l’école des filles (7), tenue par des religieuses. J’ai souvenir que la sœur directrice, sœur Léonie, avait une très forte personnalité au sens propre comme au figuré.
Chaque classe accueillait 35 élèves en deux divisions. Celle du directeur était double (Classe 1d) et pouvait être séparée par une cloison amovible. Elle accueillait quatre divisions avec un maximum, certaines années, de soixante-dix élèves.
L’école était réputée. Les élèves venaient principalement du quartier de Méan-Penhoët mais aussi des communes environnantes : Montoir-de-Bretagne, Trignac, Saint-Malo-de-Guersac, Saint-Joachim.
Du passage dans la classe de Mme Gicquel (Classe 1a) j’ai quelques souvenirs douloureux car celle-ci maniait la règle avec dextérité sur nos pauvres doigts mais elle savait aussi être d’une grande gentillesse et nous offrait des cerises enrobées de chocolat « Mon chéri » lorsque nous l’aidions à faire le ménage dans la classe.
Melle Lucas (Classe 1b) était jolie et très douce. M. Lucas (frère de la précédente) (Classe 1c) avait une très grande autorité puis enfin M. Pény (Classe 1d) qui se dépensait sans compter pour nous permettre de nous en sortir. J’ai souvenir qu’un de mes camarades avait des grosses difficultés, dues à sa surdité, mais ce grand pédagogue avec des méthodes adaptées à sa situation lui a permis d’obtenir son certificat d’études qui était à l’époque l’examen de base pour entrer dans le monde travail.
En bas, de gauche à droite : (Gérard Joneau*), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (non prénom), (nom prénom), (prénom nom), (Serge Moyon).
Au milieu de gauche à droite : (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (Patrice Lehic), (Jean-Yves Cherruaud), (prénom nom), (Jacques Grouhan).
En haut de gauche à droite : (Mme Gicquel), (prénom Sarrazin), (prénom nom), (prénom nom), (prénom Leberre ( ?)), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (nom prénom).
En bas, de gauche à droite : Jacques Grouhan, Michel Mahé, (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (Gérard Joneau*), (prénom nom), (Jean-Yves Cherruaud), (prénom nom).
Au milieu de gauche à droite : (Melle Lucas), (Jean-Yves nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom Sarrazin), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom), (prénom nom).
En haut de gauche à droite : (prénom nom), (Yvon Drouillet), (Alain Leroux), (prénom Lehic), (Jean-Hughes Postec ), (prénom nom), (prénom Sarrazin), (prénom nom), (prénom nom), (Serge Moyon).
Les tables d’écolier étaient modernes et nous les cirions à la fin de chaque année scolaire. Gare si une marque était faite ! Un petit tapis les protégeait avec un trou en haut à droite pour l’encrier.
Sur l’estrade, le bureau du maître. Au mur, le tableau vert formait triptyque. Les deux parties rabattues nous empêchaient de voir les exercices préalablement écrits par le maître lors, entre autres, des compositions.
Aux murs les cartes de France, du monde, pendues par deux œillets, permettaient de temps en temps de nous évader en suivant du regard les fleuves, les côtes, les massifs montagneux.
La place des élèves était liée aux résultats, les meilleurs devant, les derniers derrière. Certaines étaient attitrées d’un bout de l’année à l’autre et parfois même d’une année à l’autre.
Nous portions tous une blouse généralement grise achetée au marché mais certains, ayant des parents plus aisés, arboraient des plus fantaisie, de meilleure qualité et de coupe ce qui créait nettement une différence et rendait la notion d’égalité bien dérisoire.
Le carnet de notes
Mon père était très dur. En principe, le rituel de la correction voulait qu’il commençât par défaire la boucle de son ceinturon de cuir large de cinq centimètres puis de le faire glisser rapidement. La plupart du temps il s’arrêtait à la première étape et nous nous en tirions avec une sévère réprimande.
Les enfants perçoivent très bien les changements d’atmosphère et ce soir là, en rentrant, je me suis dit que cela allait peut être chauffer pour moi. Mon père était attablé les coudes posés sur la table les doigts croisés sous le menton. Ma mère était nerveuse et penchée sur son tricot elle évitait mon regard. Sur la table, mon carnet scolaire que je lui avais remis la veille. Les résultats étaient mauvais voire catastrophiques.
Mon père m’appela, pivota sur sa chaise et me fit venir en face de lui. Vu la situation il fallait à tout prix détendre l’atmosphère et je tentais un :
« J’ai une nouvelle fiancée ! »
Ma mère se retourna, sourit mais replongea rapidement dans son ouvrage. Mon père avait un visage de marbre. Je baissais la tête et mis les mains derrière le dos en signe d’une parfaite soumission. Alors il me dit :
« Ecoute, écoute-moi bien, regarde-moi, regarde-moi ! » Avec son index sous mon menton, il me releva la tête pour bien me regarder dans les yeux D’une voix ferme il me dit :
« Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école. Très tôt on m’a mit au travail et je veux que tu réussisses, je veux que tu apprennes, c’est important d’apprendre…tu comprends ? »
Il mettait très difficile de soutenir ses deux yeux bleus fixés sur les miens et je tentais plusieurs fois de détourner mon regard mais à mon grand étonnement je les vis lentement se mouiller, ses lèvres se pincèrent, son menton se mit à trembler, sa voix devint plus faible puis deux larmes coulèrent, lentement, symétriquement, sur un visage transformé par le chagrin.
« Promet-moi de bien travailler ! » Sa main rugueuse, calleuse, habituée à déverser de la fonte dans la gueule béante du cubilot caressa doucement ma joue.
Promesse fut faite… et réalisée.
Ping : L’apprentissage aux Chantiers de l’Atlantique – L’examen d’entrée | Souvenirs