Mes parents étaient très vigilants à l’éducation morale, jamais un gros mot ou une histoire un peu osée. On faisait attention à la présence des enfants et si les adultes abordaient ce genre de sujet ils les priaient gentiment d’aller voir ailleurs.
Pour moi et mon frère l’église était omniprésente dans notre vie. Chaque dimanche nous allions à la messe. Mes parents étaient plus distants. Ils se servaient de celle-ci comme mode d’éducation mais n’adhéraient pas complètement dans leur vie de tous les jours.
Le soir, en guise de prière, ma mère nous faisait embrasser une petite statuette de la Sainte Vierge.
Outre les cours d’instruction religieuse à l’école, le jeudi matin, jour de congé, était consacré au catéchiste au centre Don Bosco, une grande bâtisse de deux étages et d’un préau, ceint de hauts murs dans le quartier de Penhoët. Là, le prêtre nous initiait aux Saintes Ecritures et nous suivions sur notre livre de catéchiste dont les textes et les images étaient imprimées en bleu. Parfois il nous jouait de la flûte et les images de la Palestine et de Bethléem sont pour moi à tout jamais associées à cet instrument.
Mes parents étaient abonnés au magazine catholique « La Vie» et nous à « Cœurs Vaillants » avec sa fameuse devise « A cœur vaillant rien d’impossible » destiné aux enfants de 11 à 14 ans. Il existait un journal spécifiquement destiné aux filles « Ames vaillantes ».
La mère Rosa
Juste à côté de l’église de Méan la mère Rosa tenait son épicerie-buvette. C’était une très
vieille femme en fauteuil roulant.
La boutique paraissait aussi vieille que sa tenancière. La devanture, du début du siècle, était peinte en vert et lors de son ouverture la porte heurtait une clochette pour prévenir de l’arrivée d’un client.
La pièce était toute en long. Des présentoirs sur lesquels était disposée une rare marchandise couraient sur le mur gauche. Le long du mur droit, quelques tables où l’on servait des verres de vin rouge à quelques vieux esseulés. Dans le fond sur un comptoir en bois très bas, pour compenser le handicap de Rosa, étaient alignés les présentoirs à bonbons. C’étaient des bocaux de verre sphériques à large ouverture munie d’un couvercle.
Lorsque nous avions quelques piécettes nous allions en acheter et lorsque Rosa avait le dos tourné nous en faisions prestement disparaître quelques-uns dans la capuche du voisin. Malheur à celui qui faisait retomber le couvercle trop bruyamment. Elle nous chassait alors avec son balai.
Mais nous avions un moyen de nous procurer un peu d’argent. Rosa étant un fauteuil, il arrivait fréquemment que des pièces roulassent sous les présentoirs et il était très difficile pour elle de les récupérer.
<Rosa ma pièce à rouler sous le meuble> Prétendions-nous
<Et bien prend le balai et récupère-la !> Répondait-elle de sa petite voix aigrelette.
Consciencieusement nous passions le balai sous les présentoirs et c’était bien le diable si
nous ne récupérions pas quelques pièces perdues par quelques clients.
Alors nous achetions des caramels à un centime, des bâtons de cocos et si ces derniers étaient « gagnants », une des extrémités avait alors une marque, nous pouvions en choisir un second voire un troisième.
Encore aujourd’hui je ne peux résister devant des rouleaux de réglisse…