Je suivis tout le parcours de l’initiation chrétienne avec le curé P. et l’abbé B. à l’église de Méan : la petite communion, la confirmation, la communion solennelle. Toutes ces célébrations étaient prétextes à un repas de famille.
Après la communion solennelle nous devenions enfants de cœur. Nous portions une soutane noire ou rouge, selon les circonstances, avec leur enfilade de petits boutons à boutonner et un surplis blanc empesé.
Nous servions la messe dominicale en latin, officions aux baptêmes, mariages et enterrements, assurions les processions, suivions les chemins de croix. Le jeudi saint, lors de la messe du soir, le prêtre nous lavait les pieds comme Jésus le fit avec ses apôtres. A cette époque, Les Chantiers de l’Atlantique construisaient des pétroliers et l’instituteur nous libérait pour servir le prêtre lors du baptême des navires.
Il nous était dévolu de porter la croix, agiter l’encensoir, porter le seau du goupillon et pendant la messe sonner la clochette et présenter les burettes.
Parmi toutes les processions celle de La Fête Dieu était la plus belle. L’hostie sainte était portée en grande pompe à travers les rues de Méan. La procession était entrecoupée de stations et de prières le long du parcours à des autels provisoires appelés reposoirs fabriqués par les paroissiens. Les rues étaient décorées de dessins à la sciure colorée. Les enfants munis d’une corbeille remplie de pétales de roses et suspendue au cou par un ruban les lançaient en exécutant une chorégraphie réglée au son d’un claquoir.
L’abbé B. nous donnait des leçons de latin. Elles se résumaient à la connaissance des prières usuelles et à leur parfaite prononciation. Lors d’un service en latin auquel j’assistais avec mes filles, donc très longtemps après, les prières et les réponses au prêtre revenaient comme par magie, sans effort. Elles n’avaient connu que les services en français et je sentais leur regard et leur étonnement de voir leur père parler une langue inconnue.
Le baptême.
Juste après avoir servit la messe dominicale, Gérard J. et moi avions accompagné le prêtre à un baptême.
Ce que j’aimais surtout c’était lorsque celui-ci versait l’eau sur le front des bébés inévitablement ils se mettaient à brailler. C‘était plus drôle lorsqu’ils étaient assoupis certains reprenant leur souffle avec difficulté.
Après la cérémonie la marraine donna à chacun un cornet de dragées et… une enveloppe à Gérard. Etonnés nous nous sommes regardés. Voilà en perspective des roudoudous, carambars et autres friandises à acheter chez Rosa.
Mais le curé avait vu la manœuvre.
Juste après la cérémonie, dans la sacristie, en retirant son aube il nous demanda :
« Gérard, Michel vous n’avez rien à me donner ?
– Euh, non Monsieur le Curé.
– Etes-vous sûr les enfants ?
– Ben oui Monsieur le Curé, répondit Gérard en me regardant et en faisant une très belle moue d’incompréhension.
– N’auriez-vous pas une enveloppe que la marraine a donnée pour l’Eglise ?
– Ah si ! Monsieur le Curé, mais nous pensions que c’était pour nous, mentais-je effrontément. »
Gérard tendit à regret l’enveloppe. Elle disparu rapidement dans sa soutane.
« Bonne journée les enfants, dit-il d’un ton enjoué
– Bonne journée Monsieur le Curé, nous répondîmes un peu dépités. »
Adieu les friandises chez Rosa ! Mais nous avions les dragées pour nous consoler.