Dans la mesure du possible, je consacrais une demi-journée par semaine pour rencontrer les ouvriers sur leur poste de travail. Pas moins de 450 personnes travaillaient dans ce vaste hall en trois-huit*. Il me fallait près de trois semaines pour accomplir cette tâche. Nous parlions travail, bien sûr, mais aussi des études des enfants, des travaux menés dans la maison ou des vacances. C’était essentiel pour mener mes projets de qualiticiens d’être au plus proche de la production. Je prenais beaucoup de plaisir.
Mohamed (2000)
Ce matin là, je remontais l’allée de l’atelier, je faisais mon tour hebdomadaire.
J’avisais sur une machine une nouvelle tête. C’était un jeune magrébin qui en me voyant arbora un sourire éclatant.
« Bonjour, je suis le responsable Qualité , vous êtes nouveau dans l’atelier, je ne vous ai jamais rencontré ? Comment vous appelez-vous ? Lui dis-je.
– Mohamed » répondit-il en souriant et en me serrant la main d’une manière franche et décidée.
J’ignore ce qui m’a pris mais je me suis entendu dire :
« Ah ! J’aurai dû m’en douter ! »
Avant même que je me confonde en excuse il me répondit en éclatant de rire :
« Si cela vous pose problème vous pouvez m’appeler Maurice !
– Non, non cela me pose pas de problème j’avoue que ce n’est pas très malin d’avoir dit cela.» dis-je gêné
« Bah ! Ce n’est pas grave ! Vous avez dit ce que vous pensiez ! »
Malgré cette entrée en matière peu cavalière nous nous entendîmes presque immédiatement. C’était un garçon d’une grande gentillesse, très cultivé (il parlait couramment quatre langues) et d’une grande efficacité dans son travail.
Je me demande encore pourquoi je lui ai dit cette phrase aussi stupide mais ce jour là j’ai gagné un ami.
* Organisation du travail d’une journée en trois tranches de huit heures (matin, après-midi, nuit)