Fin lettré! (1980 – 1981)
En février 1973, pendant mon voyage sur le Commandant Rivière, maman décédait d’une longue maladie . Papa se remaria quelques années plus tard avec Monique, enseignante au cours Hattemer. C’est un établissement parisien d’enseignement privé, très coté, qui accueille les enfants aisés de la maternelle à la terminale. C’était une lettrée et parisienne dans l’âme.
Ils se rencontrèrent à Saint-Brévin l’Océan où Monique possédait une petite maison de vacances et devinrent éperdument amoureux. A la fin de l’été Monique repartit à Paris, laissant mon père esseulé à Saint-Brévin-les-Pins.
Comment entretenir leur flamme respective? Je vous rappelle qu’à cette époque les seuls moyens de communication pratiques étaient : le téléphone, la lettre et le télégramme.
Papa ne possédait pas de téléphone ; écrire : Il avait quitté l’école à onze ans, il savait déchiffrer mais était très limité en rédaction ; il lui restait le télégramme.
Ils firent l’espace d’un hiver le bonheur de la poste.
Papa envoyait un télégramme “Je t’aime”, Monique, dès sa réception par un coursier, filait à la poste et répondait “Je t’aime, moi aussi” et ceci, alternativement, plusieurs fois par semaine, voire par jour.
Monique envoyait aussi de longues et belles lettres à papa. Comment lui répondre sans trahir son inexpérience ? Il lui vint une idée :
Il suffit de recopier les phrases si jolies de Monique et de savamment les agencer pour en faire un billet des plus acceptable.
Il passa de longues heures à recopier, à assembler patiemment. L’effet escompté se produisit, Monique était subjuguée par tant de délicatesse, de poésie dans la tournure de ses phrases.
Quelques temps après, lors d’une réunion de famille, nous eûmes, Monique et moi, un entretien en aparté :
“Michel, je souhaite vous entretenir d’une petite chose, d’un rien, une peccadille mais qui me turlupine depuis un moment. Votre père m’écrit souvent, presque chaque jour. Il a vraiment un très beau style, j’en suis d’ailleurs fort étonnée, pour une personne qui n’a pas fait d’études littéraires. Mais dites-moi, pourquoi écrit-il au féminin? Avez-vous une idée?”