Les années soixante
Un cousin de papa, du côté Païen, habitait un appartement au deuxième étage d’une grande maison, à Penhoët, appartenant aux Fonderies de Saint-Nazaire. Lorsque ce cousin décéda, papa demanda que l’appartement nous soit attribué.
C’était une grande maison de deux étages, le dernier était mansardé ; aux rez-de-chaussée un commerce « Dock de l’Ouest ».
Nous étions à proximité de la gare de triage. Toute la nuit, une locomotive manœuvrait et envoyait des wagons sur différentes voies pour constituer les convois. Leur course s’arrêtait net, avec grand bruit, en cognant les wagons précédents. Maman, la première nuit, craignit que nous ne puissions jamais s’habituer ; après quelques temps nous les entendions plus.
Mon monde changeait alors quelque peu : Marcel était entré à l’école d’apprentissage des Chantiers de l’Atlantique en septembre 1961, plus de “côte”* avec ses blockhaus à explorer bien que, avec mon copain Jean-Hugues, nous y allions de temps en temps à la chasse aux lézards verts. Avec son appareil Kodak, nous traquions un de ces reptiles en avançant, à pas de loup, au plus près et si nous le faisions fuir : nous passions de longues minutes, sans bouger, sans bruit, attendant qu’ils reviennent se réchauffer au soleil d’été. Cette passion nous était venue lors d’une présentation par un montreur d’animaux sous le préau de notre école.
Je me fis un ami dans ce nouvel espace en la personne du plus jeune des voisins, une veuve et ses quatre enfants, de l’appartement du dessous. Nos terrains de jeux favoris : un stockage de bois d’une menuiserie et jouxtant la maison, une casse de voitures abandonnée. Cette dernière était entourée de hauts murs en parpaings que nous franchissions aisément. Suprême sensation, nous marchions sur le haut de ceux-ci en faisant fi de la ferraille en contrebas.
J’avais troqué mon lance-pierre contre une fronde : une bande de cuir formant une poche, prolongée à chaque extrémité par des lanières. Était-ce une bonne idée ? oh non ! elle était beaucoup plus dangereuse car les tirs étaient moins précis.
Pendant un temps, avec Jean-Pierre un copain d’école, nous nous retrouvions le soir près du terrain de football de l’Union-Méan-Penhoët, seule surface assez dégagée pour éviter les accidents, pour expérimenter une nouvelle arme : nous introduisions dans le corps d’une pompe à vélo un pétard avec une baleine de parapluie ; on faisait sortir la mèche par le trou du raccord, puis nous placions une bourre et une bille de verre. Nos essais ont montré qu’elle était redoutable…
J’ai souvenir que nous construisions encore des cabanes en creusant verticalement un monticule de terre, résultat du creusement d’une mare dans un terrain vague non loin de la maison, puis nous installions un toit de branchages recouvert de terre en laissant une ouverture pour s’y glisser.
L’été, nous allions nous goinfrer des fruits d’un verger envahi par les herbes folles. Côté route, il y avait, peinte en noir, une vieille roulotte gitane en bois abandonnée. Qui a vécu là ? c’est aujourd’hui en écrivant ces quelques lignes que je pose cette question : je n’ai jamais vu la ou le propriétaire. Au cours d’une exploration nous avions découvert, dans un coin près de la paillasse, une pile de « Chasseur français”.
La roulotte fut détruite et une veuve fit construire à la place une maison. Elle avait deux enfants, un garçon et une fille, à peu près de mon âge, “fans” de Claude François ; les portraits de leur idole tapissaient les murs de leur chambre.
Est-ce notre éducation ? je me souviens pas que mon frère et moi ayons adoré une quelconque vedette fut-elle du sport ou de la chanson.
Et puis…je passai de plus en plus de temps avec Chantal**, nous faisions du patin à roulettes et je la tenais par la main…de peur qu’elle ne tombe.