Santa Cruz de Tenerife
Le 27 novembre 1972, Santa Cruz de Tenerife
Je reviens de sortie, tu sais, les environs de Santa Cruz ce n’est pas très beau, la ville par elle-même a un petit charme mais dès tu la quittes c’est fini, c’est le désert, les routes ne sont pas nombreuses et peu praticables.
Santa Cruz est située à flanc d’un ancien volcan ; c’est une ville comme tant d’autres avec ses magasins, ses rues, ses marchands de friandises puis ses monuments typiquement espagnols (Tenerife fait partie des îles Canaries, territoire espagnol).
Les plantes sont différentes de chez nous, des fleurs que je n’avais jamais vues poussent dans les parterres des places autour des fontaines.
C’est un pays assez pauvre, tout au moins Tenerife ; je faisais la remarque à quelques copains : trois quarts de maisons neuves pour un quart de taudis puis, lorsque l’on va vers l’est, les taudis sont remplacés par des bidonvilles à flanc de montagne. Les habitants utilisent les grottes formées par la lave où, à l’entrée, ils construisent des cabanes en tôles ondulées dont le toit est tenu par des pierres ou des vieux pneus. Une chose qui m’a frappé aussi : les maisons des villages environnants sont faites en parpaings et non crépis ce qui leur donnent un air lugubre ; une maison parfois deux sont peintes en ces jaunes que je caractériserai de pisseux.
Je suis très déçu des Canaries, moi qui imaginais des paysages merveilleux. Je n’ai vu que des gris sur un ciel d’azur.
Il fait chaud ici, très chaud même, cela ne doit pas être de même pour vous.
Le 28 novembre 1972, Santa Cruz de Tenerife
Nous appareillons demain vers dix heures, je suis, contrairement à ce que j’ai écrit hier, enchanté de l’escale car je suis allé faire une excursion, organisée par le bord, dans l’île. Je vais essayer de te faire vivre ma journée :
Vers 9h30, après les permissionnaires, nous avons pris un bus assez confortable : jumelles, appareil photo et jersey sous le bras. Je n’avais guère envie d’y aller, peut-être parce que beaucoup de matelots s’étaient décommandés au dernier moment. Les quatorze gars que nous étions étaient alors assez dans l’expectative.
Un guide parlant un mauvais français nous a accompagné toute la journée. Après une courte visite dans Santa Cruz nous avons pris le chemin du pic du Teide.
La route qui y mène est tout d’abord assez bonne, puis franchement mauvaise, les cahots nous secouaient comme des pruniers. Un paysage de montagnes défilait devant nos yeux, paysage aride avec au fond de la vallée des villages aux maisons non crépies, puis au détour d’un lacet une vue aérienne de Santa Cruz qui s’étend plus que je ne l’aurais pensé.
La vallée de l’Esperanza est vraiment un site formidable. Des plantes méditerranéennes, de grands arbres ressemblant à des pins donnent à ce parc national une beauté froide mais verdoyante qui contraste avec les montagnes.
Bientôt, vers 1800 mètres, les nuages nous ont enveloppés et nous avons perdu toute vision vers l’extérieur. Le bus a roulé ainsi assez longtemps pour arriver ensuite sur route bordée de lave, roche poreuse couleur marron ou noir.
Un nouveau paysage alors naissait doucement, la terre se fit plus aride, quelques plantes grasses poussaient çà et là, en touffes, parfois recouvertes de givre, puis le pic du Teide apparut enfin : beau majestueux encore enveloppé par quelques brumes légères. C’est un volcan encore en activité car de légères fumerolles s’élèvent dans le ciel. Christophe Colomb en 1492 a vu la dernière irruption du Teide lorsqu’il passait près des Canaries lors de son voyage vers l’Amérique.
Tout autour c’est un paysage apocalyptique. Un désert fait de pierres ponces, de lave rougeâtre (je parle de lave à l’état de pierre), un paysage lunaire, un paysage des temps préhistoriques où la vie naissait dans les océans. Je n’en croyais pas mes yeux !
Nous avons pris là des photos magnifiques. Le pic se dresse avec son dôme blanc, sa robe rouge-marron, de vert, de blanc, de jaune, il est vraiment magnifique.
Un téléphérique mène les touristes au dôme, mais il y avait trop de vent, nous n’avons pas pu le prendre.
Là, la pellicule a tourné, jamais de ma vie je n’ai vu une nature aussi sauvage. C’est fantastique, une vision d’un autre monde, une vision de terre inoccupée, incultivable, désertique. Des tonnes et des tonnes de lave formant des monticules sur les flancs d’une vallée, des pics volcaniques qui se dressent vers le ciel aux formes bizarres que de soi-disant artistes modernes pourraient s’inspirer. Dans quelques temps tu pourras juger par toi-même car j’ai pris une pellicule complète.
Le guide nous a dit que dans une île, dont je me souviens plus le nom, le sol est encore très actif. Si tu creuses un trou et que tu y mets un gigot de mouton que tu le recouvres : vingt minutes après ton gigot est cuit ! A un mètre de profondeur, la température est de quatre-vingt* degrés.
Puis nous sommes redescendus vers Puerto de la Cruz, une ville de millionnaires, que dis-je, de milliardaires, faite de palaces, de piscines luxueuses, de jardins aux plantes recherchées.
C’est là que l’on peut voir la différence de revenu des gens de l’île : d’un côté les pauvres, de l’autre les riches ; les uns avec des bicoques de tôles ondulées, de parpaings nus, les autres avec des luxueux appartements et des voitures type Lamborghini.
C’est aussi le pays des bananes. Les bananeraies s’étendent sur plusieurs kilomètres, avec des arbres trapus aux grandes feuilles et des régimes encore verts, là nous nous sommes arrêtés quelques heures pour nous détendre.
* Il me semble que c’est plutôt quatre-cent degrés.
Sujet incomplet sur cette escale ! LoL Peaufiner plus serait un bien !
Ah le sorcier , je m’en souviens très bien avec l’équipe des choufs admissibles , il y avait une table à la cafétaria , avec le chauffeur du pacha CAVAILLON-PINAUD et MORVAN
Quelle époque le matelot TIM LECHEVALLIER Patrick sans oublier le médecin du bord que j’ai retrouvé à Djibouti Mr TREGUIER Bon vent Bonne mer