Cape Town, le 25 décembre 1972.
Voilà, nous sommes le 25 décembre, le jour où dans beaucoup de familles les enfants sont rois. Ah ! je me souviens des Noëls de mon enfance, tout l’univers qui m’entourait alors : la féerie lumineuse dans la ville, les vitrines où je collais mon nez avec l’espoir de posséder un de ces jouets.
À cet âge, il me semble, on vit dans un monde idéal, féerique, avec le sentiment que tout est beau, grand et noble. Aujourd’hui j’ai tout perdu de ce monde imaginaire ; la vie est ainsi. Je suis à neuf mille kilomètres de toi*, parfois je suis un peu triste et alors m’envahit une pensée, une langueur, un état d’esprit couleur cauchemar.
* Petit rappel : ce journal est une transcription des lettres que j’envoyais alors à celle qui est devenu mon épouse.
Tiens minuit ! selon la tradition, est né alors un homme qui fut et est la plus grande « vedette » de l’histoire des hommes ; il tient l’affiche depuis si longtemps…
Nous sommes à Cape Town depuis le vingt-deux et la ville est agréable : l’Angleterre transposée en Afrique avec ses coutumes, ses maisons. Les habitants eux-mêmes semblent des gentlemen ou des ladies. C’est très agréable de se retrouver ainsi brusquement dans notre civilisation : buildings, autoroutes, chewing-gum et coca-cola**…
** Le contraste était tellement saisissant entre la pauvreté de l’Afrique et la modernité de l’Afrique du Sud.
Duncan Dock, Cape Town
La ville est très grande, elle se trouve près du Cap de Bonne Espérance. Sa population est très cosmopolite : des blancs, la minorité, des indiens à la peau bronzée et au fin visage et les noirs, la majorité, considérés comme « incivilisés ».
Le mariage entre les blancs et les indiens ou les noirs est interdit. Le mariage entre noirs et indiens est aussi interdit. Ils ne veulent pas de mélange de races***. Tout contact sexuel entre race différente est puni par la loi. Si un blanc est surpris à copuler avec une noire, la peine prévue est de six mois de travaux forcés et la flagellation. Tu vois, il ne rigole pas dans ce pays !
*** Une présentation du pays et ses lois « particulières » nous a été faite dans la cafétéria par le commandant lui-même.
Nous avions un seul noir à bord, M., un manœuvrier il me semble, et bien sûr ce n’était pas le pays idéal pour lui mais les marins faisaient bloc autour de lui et il me semble, qu’en ville, il n’ait jamais été inquiété. Que pouvaient faire les commerçants contre un groupe bouillonnants de marins en escale dont certains recherchaient la confrontation ?
Lorsque nous nous promenions en ville on pouvait voir que les magasins affichaient à quelle population ils étaient réservés. Dans les parcs, les bancs publics portaient la mention « black » d’un côté « white » de l’autre avec parfois une bande de peinture de séparation.
Bien sûr il faudrait dire, dans le temps actuel, que l’on était offusqué par la ségrégation ; pour ma part ce n’était pas le cas. En prenant le risque de choquer certains, je regardais cela dans une totale indifférence.
Les jeunes filles noires nous aguichaient en permanence et c’était un terrible supplice mais je préférais la compagnie de jeunes étudiantes blanches qui en nous abordant voyaient là une possibilité de parler français.
Le pouvoir et le contrôle financier sont tenus par les blancs qui sont en minorité. La population blanche est composée d’anglais et de hollandais. La langue est soit l’anglais soit l’afrikaans qui est un dérivé du hollandais.
Nous avons reçu un accueil très chaleureux****, de nombreuses familles ont invité des marins pour passer le réveillon. Je n’ai pas eu cette chance et je l’ai passé à bord.
**** Lorsque nous promenions en ville, il était fréquent que les blancs nous invitassent à entrer chez eux et boire un verre. Ces actions répétées avec des conséquences pour nous : des difficultés pour revenir à bord. J’ai souvenir d’une grande rue en pente au bas de laquelle nous pouvions apercevoir le navire à quai. A notre passage, les habitants nous apostrophaient, nous hélaient pour partager un moment avec nous.
Quelques-uns parlaient un français incertain mais suffisant pour une conversation basique, d’autres faisaient venir un plus jeune, un étudiant sans aucun doute, pour assurer la traduction. Nous avons même été interviewés pour un journal local par une jeune et jolie journaliste.
Une constante : tous nous vantaient les beautés de leur pays et évoquaient la possibilité que nous pussions nous y installer.
Mais ce fut un très bon réveillon. Des tables disposées sur la plage arrière réunissaient pour un fraternel repas les officiers, officiers mariniers et les matelots. Le commandant était aussi de la fête. Nous avons chanté, mangé et bu dans une très bonne ambiance. L’orchestre du bord envoyait un flot de musique. J’ai eu le cafard quand ensemble nous avons chanté « Petit Papa Noël » et souvent à bord ou même en ville des marins entonnent ce chant***** qui est pour nous un lien avec ce que nous aimons.
***** Surtout lors des soirées « caniveau ».
Il faut aussi que je parle du site qui entoure Cape Town. Trois montagnes dominent la ville : Table Mountain (la Montagne de la Table), elle porte ce nom car elle forme un plateau qui culmine à mille quatre vingt-six mètres ; Devil’s Peak (le Pic du Diable) et Lion’s Head (Tête de Lion). Ce plateau et ces pics donnent à la ville un charme évident.
Nous sommes allés en téléphérique sur la Montagne de la Table : quelle vue magnifique sur la ville et ses environs ! on apercevait dans un coin Simonstown, une autre ville située sur la côte.
Je n’ai pas pu prendre de photos, les pellicules, ici, coûtent très chères et les affaires ne marchent pas très fort en ce moment, Aussi, depuis deux escales, je fige dans ma mémoire tout ce que je vois. Tu m’excuseras si je ne t’envoie pas de carte postale… pour la même raison.
Notes :
Pendant cette escale nous avons vu un nouvel arrivant embarquer : Idéfix un petit chien. D’après G. ce sont des mécanos et le quartier Maître F. H. qui l’ont ramené à bord dans une boite à chaussure après une sortie « caniveau ». C’est le lendemain matin qu’ils se sont souvenus de sa présence, lorsqu’il a aboyé.
Idéfix, la mascotte du bord avec le QM F. HUTIER (Electronicien d’armes – Elarm) lors d’un poste de manoeuvre sur la plage plage arrière (Photo A. Verzwyvel)
Bonsoir
j’ai fait partie de cette équipage de juillet 1972 à mai 1974 , j’étais matelot Timonier à bord de ce noble vaisseau , j’ai aussi fait quatre autres avisos escorteurs ensuite , j’ai eu beaucoup de chances , et de nombreuses escales à mon actif , j’ai terminé sur le Jules VERNE , et je suis capitaine de corvette de réserve et fier de l’être
Bonsoir,
Je suis vraiment très heureux d’avoir de vos nouvelles. Je me souviens de vous et par la pensée je vous vois dans le petit réduit du timonier.
Ce voyage a été une expérience vraiment intéressante pour moi. Je n’ai jamais retrouvé dans l’industrie les liens qui peuvent unir les marins à bord d’un navire. Je dis souvent : « j’étais au pays des hommes ».
Je suis en retraite, j’ai fait toute ma carrière dans la construction navale, la mer n’était pas loin. J’écris beaucoup, en premier lieu mes souvenirs dont le Cdt Rivière fait partie et aussi des nouvelles. J’ai aussi une autre passion je réalise des petits dessins animés.
Si vous le permettez je vous enverrai une notification pour le récit des prochaines escales.
Cordialement
Michel
Bonsoir
après mes dix huit années et demi dans la Royale ,
j’ai travaillé à DGA/DCN à Paris au siège social , 2 Rue Royale puis à Sextius mICHEL au service de la production industriel avec comme dernier chef Mr POIMBOEUF ensuite j’ai rejoint DGA/SPAé à Balard suite à la privatisation en DCNS , actuellement je suis toujours en activité dans l’armée de l’air , comme civil de la défense , depuis le 24-02-1971 , je n’ai pas quitté la Défense , quand on aime on ne compte pas , je ne me souviens pas trop de tous à bord à part quelques noms qui me reviennent et certains qui ont continués comme moi
Cordialement
Bonjour ami timonier,
À cette époque ton chef était breton du Morbihan, fier de l’être, barbu et…. mon ami .
Je me souviens de toi et de ta gentillesse… Bravo pour cette belle carrière au service des Hommes, comme le dit si bien Michel !
Pour info, Jean-Marie Poimboeuf est le parrain d’une de mes nièces … Le monde est bien petit !
Bien amicalement,
Jean-Pierre de Radio Riviere
Bonjour Oui mon chef sur le F733 était Jean Luc Lepage il est reste à Tahiti avec sa femme Sur le territoire Jean Marie poimbeuf était mon chef à la DCN rue sextius Michel Chef de la production industriel Très sympa belle carrière Amicalement
Envoyé de mon iPhone
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On a beau dire on a beau faire, il faut écouter Radio Rivière !!!
J’étais sur le bateau à côté et je comptais de nombreux amis à votre bord. Je relate toutes ces péripéties sur le lien ci-dessous
https://www.edilivre.com/j-te-raconte-pas-23235c8cf3.html#.V4TMZ0ZIK70
Vous avez un accès libre a un large extrait sur nos aventures tahitiennes
Quel formidable tremplin que Marine quand je lis vos parcours
Bonjour,
Et merci pour ce rappel du slogan de Radio Rivière que j’avais créé avec quelques uns et que j’animais avec beaucoup de plaisir… en dehors de mon boulot de Patron secrétaire du F733…. Une belle époque puisque c’est la seule période où les 5 avisos ont été réunis et ont pu naviguer en groupe naval… sous la houlette du CV Divies, Divapaci de l’époque…
Du coup, je viens d’acheter ton bouquin !
Amitiés,
Merci pour ton achat Jean Pierre, j’espère que les facéties des marins du livre te rappelleront de beaux souvenirs. J’ai des chansons rengaines comme votre slogan qui a été repris jusque sur radio Papeete. Tu le chante une fois et tu n’arrive pas à t’en débarrasser. Pour l’anecdote au hit parade de Tahiti en 1973 la chanson qui était classé première c’était « Le prix des allumettes » de Stone et Charden.
Amitis,