En mer vers Durban (Afrique du Sud), le 26 décembre 1972.
Nous voilà reparti ! l’escale nous a paru courte, car l’accueil formidable que nous avons reçu nous a réconfortés de ces longs jours de mer dans l’océan Atlantique. A trois heures demain matin (heure locale), il sera quatre heures pour toi, nous passerons le cap de Bonne-Espérance, non ! erreur ! le cap des Aiguilles qui est la limite entre l’océan Atlantique et l’océan Indien.
Je ne suis pas tellement en forme et le comble : le bateau roule et tangue allégrement.
J’ai quitté la séance de cinéma pour aller me coucher et écrire quelques mots mais ce soir j’ai un peu le mal de mer.
En mer vers Durban (Afrique du Sud), le 27 décembre 1972.
C’est un air breton qui emplit l’air où je t’écris. Ah Bretagne ! comme tu es loin de moi. La musique que tu as donnée à tes enfants est pleine de nostalgie et me semble ici si lointaine. Nous sommes en ce moment tout à fait à la pointe de l’Afrique et nous voguons vers Durban, une ville d’Afrique du Sud baignée par l’océan Indien.
Voici approximativement les escales que nous ferons prochainement : Durban, Diego Suarez (Madagascar) où nous resterons 15 jours, nous irons aux Seychelles très au nord de Madagascar puis les îles de Saint-Paul et Amsterdam à mi-chemin entre l’Afrique et l’Australie, Melbourne en Australie*, la Nouvelle-Zélande*, les îles de Cook et Tahiti où je serai débarqué pour ta plus grande joie et… la mienne.
* Des on-dit ont circulé à bord que les essais nucléaires dans le pacifique polluaient alors les relations diplomatiques avec ces pays et c’est pourquoi les escales, par la suite, ont été déprogrammées.
Que de paysages magnifiques ! De retour à la maison, je passerai certainement des soirées à rêver de ces pays lointains. Pour l’instant… je rêve de la Brière : les eaux calmes, les chalands, les roseaux… Je mesure aujourd’hui la place qu’elle a prise dans ma vie. J’aimerais qu’à mon retour nous passions tous les deux un weekend en Brière, sous la tente. Qu’en penses-tu ? je crois que nous pourrions passer ainsi un weekend agréable.
A bord tout est redevenu calme, le cinéma va bientôt commencer, puis les lumières en haut des portes vont s’éteindre et le silence va régner sur ce fier vaisseau. Cette nuit en écrivant je redeviens moi-même car à bord je perds un peu de mon identité. Je m’évade de cet univers où l’on pense qu’à travailler, manger et dormir** où l’on devient malgré tout un peu fainéant car on perd le goût d’apprendre, de lire.
** Ma vie à bord était rythmée par le travail journalier. Le matin : sondage des caisses à combustibles, calcul de la consommation journalière, contrôle de l’eau douce disponible. J’inscrivais cela sur une tablette, la faisais vérifier par le maître principal puis portais les résultats au commandant en passerelle.
En fonction du niveau dans les différentes caisses, je transférais du gas-oil dans les soutes afin de rééquilibrer le navire pour faciliter la navigation.
Dans la journée j’avais toujours quelques rapports ou notes à taper.
Il y a avait aussi des travaux d’entretien, je me souviens d’avoir repeint un compartiment, tout à fait à l’arrière du navire où étaient stockés les huiles et peintures que nous avions en gestion.
A toute heure de la journée ou de la nuit nous pouvions avoir un exercice de sécurité alors l’équipe ou les équipes concernées se précipitaient sur la zone indiquée par les haut-parleurs, enfilaient leur combinaison et leur fenzy , un masque respiratoire qui prenait l’ensemble du visage. Je me précipitais à mon poste et rejoignais l’équipe sécurité pour noter le timing de l’exercice afin de rédiger le rapport.
Le feu est la situation la plus sérieuse à bord d’un navire. Une seule fois nous avons eu une alerte réelle.
J’étais dans le bureau avec le quartier maître H. du service sécurité, lorsqu’on nous a transmis : «Alerte feu de friteuse… » . Je me souviens qu’ensemble nous avons fait la même réflexion : « Hé ! ce n’est pas un exercice ! ». Nous étions très bien préparés mais pendant une fraction de seconde nous nous sommes regardés, un peu étonnés, avant que H. déclenche la procédure en précisant bien « Ceci n’est pas un exercice … Ceci n’est pas un exercice… »
Et puis il y avait les postes de combat. Tout le personnel se précipitait à son poste et les portes, panneaux et tapes se fermaient derrière lui. Ils étaient de deux sortes : le poste de combat « normal » ou les ouvertures pouvaient être ouvertes mais refermées immédiatement après notre passage et le poste de combat avec alerte « atomique » – c’est ainsi qu’il me semble que nous le désignions, on dirait maintenant « nucléaire, bactériologique, chimique » – le navire était entièrement fermé – il n’était pas question d’être en retard pour prendre son poste – et mis en légère surpression pour éviter que l’air polluée ou les gaz pénètrent à l’intérieur. L’extérieur du navire était alors copieusement arrosé en pluie.
J’ai souvenir que dans ces moments, tout le monde dans le petit bureau était très sérieux, pas question de raconter des histoires, elles étaient réservées pour les postes d’appareillages.
Un vrai reportage ! J’ai l’impression de revenir en arrière à la lecture de ces lignes… de vie …
Merci Michel
Jean-Pierre de Radio-Rivière
Je pensais que le pacha en second avait embarqué à Diego-Suarez ??
Je perds la tête ….
Au passage je salut Jean-Pierre… Qui gérait bien la crise au commande de R-R avec son Co Dédé. V
C.S
Non c’est Cdt Divies qui a succédé au Cdt Frappa à Diego.
Amicalement
Michel
Le Capitaine de Vaisseau Divies avait effectivement pris le commandement à la suite du Cv Frappat. Le second était le Capitaine de Corvette Jean-Loup, Jacques, Luc Chambrun de Rosemont appelé plus communément de Rosemont ou plus familièrement la Rose…
C’était un commando de belle facture qui a connu une fin tragique à Toulon et qui, sous une carapace de dur intraitable, avait un cœur d’or. Il s’était marié en calèche à Papeete et j’ai perdu le contact avec son adorable épouse.
Le CV Jean Divies, quant à lui, avait pris à son retour à Toulon, le commandement de l’escadre de la Méditerranée et de l’escorteur d’escadre D’Estree, si ma mémoire est bonne. Il a terminé sa méritoire carrière dans des circonstances difficiles. Il avait ma confiance et il garde mon amitié.
Au passage, je n’ai pas noté le nom de l’intervenant précédent, mais je le salue bien cordialement….
Jean-Pierre
Envoyé de ipad JPV
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