En mer, vers Diego Suarez (Madagascar)

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En mer, le 03 janvier 1973 vers Diego Suarez (Madagascar)

Nous avons quitté Durban hier matin, que de  beaux souvenirs j’emporte de cette ville. J’ai passé des moments formidables et je n’ai jamais bu autant de whisky  de ma vie. Je crois que j’ai un peu abusé…

J’ai passé les deux derniers jours de l’escale avec une jeune anglaise et sa tante. La jeune fille, Marcelle, parlait le français et nous avons pu converser longtemps. Après une longue balade sur la jetée, nous avons passé le restant de la nuit du premier de l’an au bar de l’hôtel Palm Beach où ils passaient leurs vacances. Musique d’ambiance et pas de danse*,  c’était très agréable.

Il faut que je te décrive la manière dont j’ai commencé mon année. Après mettre promener longuement dans Durban, je suis allé dîner à bord. Un réveillon assez bien réussi, dommage que les anglais ne savent pas faire la pâtisserie.

À minuit nous avons chanté et dansé sur le quai en faisant des rondes. Les badauds amusés se sont fait assaillir de « Happy new year ». Là il faut que je te parle d’une coutume assez particulière à l’Afrique du Sud : en souhaitant la bonne année à une demoiselle ont l’embrasse… sur la bouche…eh oui ! et je t’avoue que nous avons rencontré beaucoup de demoiselles et de femmes mariées accompagnées ou non. Tu ne m’en voudras pas d’avoir sacrifié à cette tradition.

Puis je suis allé en ville ou un anglais m’a payé un pot chez lui il était minuit et demi à ce moment-là. J’ai pu admirer Durban illuminée. Quelle merveilleuse ville pleine de contrastes et de couleurs.

Maintenant l’escale est finie, la mer et son immensité nous entoure  de nouveau. Nous filons vers Diego Suarez à 17 nœuds. Nous y serons samedi dans la matinée.

* Connaissant mes talents de danseur je ne peux que sourire quand je retranscris ces mots.

En mer, le 04 janvier 1973 vers Diego Suarez (Madagascar)

Il est très tard lorsque je prends la plume car il a fallu que je prépare le navire en gas-oil* : un cyclone est en prévision pour demain et je ne suis pas très fier.

Ce soir nous avons eu un coucher de soleil magnifique, des nuages aux couleurs divines étaient couchés sur l’horizon et s’étalaient majestueusement dans le ciel.

Samedi nous arrivons à Diego ; la ville n’est pas, parait-il, des plus belle ; 62000 habitants ; en revanche une baie qui, d’après les on-dit, est la plus belle du monde ; enfin je te raconterai tout cela demain.

La journée est passée sans trop de difficultés. À part la chaleur qui atteignait dans mon bureau 45°C et 99% d’humidité. Mes nerfs ont pris un sale coup, je le sens bien, je deviens plus nerveux. Enfin tout ceci n’est pas grave, le retour en France est proche.

Cet après-midi, la mer était très belle, d’un beau bleu et peu de vagues. Nous filons 17 à 18 nœuds dans le canal de Mozambique. Nous sommes maintenant à peu près au milieu. À tribord : Madagascar à bâbord : l’Afrique.

Ah Afrique ! combien j’ai pu admirer tes contrastes. Quelle différence entre le Sénégal et l’Afrique du Sud. Jamais je n’aurais pensé qu’il puisse exister au Cap de Bonne-Espérance des blancs qui vivent à la manière anglaise. C’est un pays où j’aimerais vivre car c’est l’été toute l’année, les salaires sont élevés et le niveau de vie est très bon. Enfin peut-être un jour**…

* Un moment particulièrement éprouvant, le navire tanguait, roulait, se soulevait,  la circulation dans les coursives étaient périlleuses. Je me souviens d’avoir mis le pied sur le bas de la cloison de la coursive centrale lors d’un fort angle de roulis.

J’avais pu me faufiler à la passerelle et la vision du navire plongeant dans des vagues immenses qui déferlaient sur la plage avant et terminaient leur course sur la face avant de la timonerie avec comme bande son les bruits sourds des coups de boutoir de la mer, le hurlement du vent. C’était particulièrement impressionnant. Ce soir-là je prenais conscience que j’étais devenu un vrai marin.

Cette nuit-là, dans nos bannettes nous passions la main sous nos matelas pour tenter d’améliorer notre stabilité. Plusieurs camarades ont chuté lourdement, le sommeil leur faisant perdre leur vigilance.

Le lendemain matin, les valises mal arrimées jonchaient le sol du poste 4, certains casiers personnels, mal fermés, avaient déversé une partie de leur contenu. Le bureau du PC sécurité était dans un sale état, la machine à écrire était tombée du bureau, les plans machines du navire étaient épars sur le sol.

** Au moment où je retranscris ces lignes je viens d’apprendre que Mandela est décédé. Je sais que rien n’est réglé dans ce pays. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il pourrait, qu’il va, sombrer comme un grand nombre de pays d’Afrique dans la misère et la corruption…

A propos Michel-Claude Mahé

Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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