Matadi, décembre 1972.

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Matadi, le 12 décembre 1972.

Nous avons remonté le Zaïre sur cent vingt kilomètres ; nous sommes à Matadi au Zaïre. Les rives sont magnifiques, surprenantes même. Au début ce sont des prairies ou des forêts inondées puis, lorsque nous nous sommes approchés de Matadi, un paysage de collines a fait place. C’était très beau, dommage que je n’ai plus de pellicules. Je vais tâcher de travailler un peu ce soir pour en acheter demain. De la ville même, pour l’instant, je n’ai rien vu. Nous sommes accostés près de grands hangars tristes et sales.

Matadi, le 13 décembre 1972.

Il est très tard ; je reviens de la ville ; c’est très décevant. Nous avons eu aujourd’hui “service du samedi” c’est-à-dire permissionnaires à onze heures. Vers treize heures nous sommes partis en car vers Matadi. C’est une ville relativement petite mais ses faubourgs l’augmentent considérablement. La population est d’environ cent mille habitants, quarante mille de plus qu’à Saint-Nazaire. La ville est bâtie sur un terrain très vallonné, une ville de côtes et bien sûr de descentes très raides : jusqu’à quinze pour cent.

La population, les zaïrois, sont très différents des sénégalais. Il me semble que les zaïrois sont légèrement plus riches que les sénégalais car la mendicité y est rare*. Ici pas de mains qui se tendent, les quelques mendiants que j’ai vu sont toujours physiquement très diminués.

Le car a pris la direction des faubourgs : une multitude de taudis faits de pierre blanche ou de maisons de bois ou de tôles. Des baraques ressemblant à celles des travaux publics en France, peuplent les collines environnantes.

Les routes en terre sont très cahoteuses et le car nous a secoués rudement.

Parfois nous passions dans des rues très passagères et la population nous acclamaient, les enfants nous faisaient de grands bonjours et couraient, une fois dépassés, derrière le car. Le chauffeur prenait grand plaisir, il faisait souvent demi-tour et repassait dans la même rue.

La végétation est luxuriante ; dans les arbres des fleurs odorantes blanches et roses ou en grappes rouges donnent au paysage un air enchanteur. Il faisait très chaud, le soleil tapait dur et pourtant c’est l’hiver ici.

Au bout d’un certain temps nous avons tous ressenti une certaine gêne, nous nous regardions, désappointés, car l’excursion prenait un air d’une course : quelques photos sur les berges du Zaïre, une très courte promenade dans un lieu dit composé de trois ou quatre maisons où des enfants en costume traditionnel nous ont regardés comme des bêtes curieuses – à ce même endroit j’ai vu un lézard aux écailles rouges et vertes, il était magnifique.

D’être trimbalé ainsi sur ces routes, nous en avons eu rapidement marre ; nous avons demandé qu’on nous dépose en ville et chacun est parti de son côté.

J’ai passé une soirée agréable : un copain m’a payé le restaurant** ; au menu : potage, pâté maison, mérou et ananas, c’était très bon. Ensuite nous avons marché dans la ville, fait les magasins, marchandé des souvenirs avec quelques boutiquiers. Ceux-ci d’ailleurs sont moins voleurs que les sénégalais car le travail est beaucoup plus fignolé.

Je n’ai plus de pellicules ; je n’en ai pas trouvé et je perds ainsi beaucoup d’images magnifiques.

Demain je vais aller visiter un barrage sur le Zaïre, ça promet d’être passionnant.

* Quelle naïveté mon cher Michel ! le régime dictatorial de Mobutu ne devait pas tolérer ce genre de pratique.

** En escale la coutume voulait que les matelots, les seconds maîtres, les maîtres invitaient les appelés à une soirée ou au restaurant.

Matadi, le 14 décembre 1972.

Une nouvelle journée vient de s’achever, une de moins ; en escale le temps passe très vite. Le pays est vraiment surprenant, surtout dans l’intérieur des terres. Il a la chance de posséder une nature qui a gardé son intégrité. C’est très beau : il y a des palétuviers, des cocotiers et mille autres plantes dont je ne connais pas le nom, des papillons fantastiques, grands comme la paume de la main, des lézards aux multiples couleurs. Au creux d’une vallée, le Zaïre impétueux emporte sur son passage des herbes, des troncs d’arbres. Ses eaux couleur chocolat par endroit offre un spectacle magnifique.

Paraît-il qu’il existe à proximité de Matadi des crocodiles, mais pour ma part jamais je n’en ai aperçu la queue d’un.

Nous sommes allés voir le complexe électrique d’Inga*, très belles réalisations des italiens. Mais ceci n’a rien de typique.

Le long des routes des enfants nous faisaient de grands signes et paraissent très étonnés de nous voir. Nous avons assisté à un spectacle haut en couleur : la sortie des piétons sur le bac de Matadi**. Une remarque importante, ici jamais les hommes ne portent quelque chose, ce sont  les femmes et même des enfants qui portent tout sur la tête. J’ai vu des petites filles de douze à treize ans porter de lourds fardeaux.

* Nous avons eu une conférence sur le barrage par le responsable du site. J’étais étonné d’apprendre que six turbines avaient été installées mais qu’une seule suffisait pour alimenter toute la région.

À la surface du fleuve, bloqué par la barrière de béton, on peut voir un immense tapis d’herbes flottantes. Cette accumulation pose un problème car il faut nettoyer fréquemment l’entrée d’eau des turbines.

** C’était un simple ponton, muni à l’arrière d’un gros moteur diesel et d’une timonerie, sur lequel s’entasse une foule compacte et bigarrée.

La manœuvre pour traverser est particulièrement difficile et il faut toutes les compétences du passeur pour la réussir : le courant du Zaïre est très rapide en son milieu ; dans un premier temps  le bac remonte le fleuve au plus près de la rive car la vitesse du courant y est moindre ; puis il s’engage au milieu du fleuve ; il est alors pris par le courant et prend de la vitesse ; il lui faut regagner la rive opposée au plus vite sinon il est entraîné en amont plusieurs kilomètres.

Une image me revient à l’esprit : une femme, devant moi, donne à boire à son bébé l’eau marron du fleuve.

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Le bac de Matadi – Photo Web

Article connexe : Sur une piste au Zaïre http://wp.me/p188s8-5z

A propos Michel-Claude Mahé

Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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