L’apprentissage aux Chantiers de l’Atlantique
L’examen d’entrée
Ma destinée était scellée* je ferai un apprentissage. Le désir secret de maman était que je devienne coiffeur. Étaient-ce les préjugés autour des garçons de cette profession ? J’avais refusé cette éventualité. Un temps l’école des mousses m’avait tenté mais le milieu des jeunes ouvriers avait quelques tendances antimilitaristes et puis Toulon me semblait le bout du monde : j’abandonnais cette possibilité.
Dans ma classe plusieurs s’étaient orientés vers l’école d’apprentissage maritime d’Étel, un autre souhaitait être typographe, un autre mécanicien automobile mais la plupart allaient être orientés d’office dans les deux grosses entreprises de la région.
Mr Pény, le directeur de l’école Saint-Joseph de Méan**, nous avait très bien préparés. L’année des examens (certificat d’études, examens d’entrée au collège technique, à Sud-Aviation, aux Chantiers de l’Atlantique.) nous commencions à sept heures jusqu’à huit heures pour des cours hors programmes puis de huit heures trente jusqu’à onze heures trente nous avions la classe ordinaire. Nous reprenions à treize heures trente jusqu’à seize heures trente. De dix-sept heures à dix-huit heures étude et de dix-huit heures à dix-neuf heures cours du soir. Cela du lundi au vendredi excepté le mercredi où nous avions dessin industriel le matin et le samedi où les horaires de classe étaient normaux
Dans les écoles d’apprentissage nous allions être confrontés à des garçons de seize ans qui, pour la plupart, changeaient d’orientation. Il nous fallait être bien armé et ces cours supplémentaires nous permettaient de combler quelque peu le fossé dans les matières comme le dessin industriel et les mathématiques.
Nous étions six cents à passer l’examen d’entrée. Il consistait en un ensemble de tests pour évaluer nos différentes aptitudes. Nous l’avions passé dans un grand hall et j’ai souvenir de quelques-uns de ces tests : nous devions par exemple relier par des droites des points numérotés sur une feuille. Ils étaient énoncés par un haut-parleur et cela de plus en plus vite, à un moment la vitesse était telle que nous devions abandonner.
Il y avait aussi le système bien connu des engrenages, courroies et poulies. On nous donnait le sens de rotation de la première roue et nous devions déterminer le sens de la dernière. Ceux qui ne connaissaient pas l’astuce s’évertuaient à déterminer le sens de chaque roue. Les autres comptaient les engrenages : un nombre impair la dernière tourne dans le même sens que la première ce qui facilitait considérablement la solution du problème.
On vérifiait aussi notre mémoire visuelle : on nous présentait pendant un court instant un carroyage, comme un damier, dont certaines cases étaient grisées. Nous devions le reproduire sur une feuille pré-imprimée.
L’équité entre les candidats n’était pas parfaite. Un « petit coup de pouce » d’un chef d’atelier ou d’un contremaître pouvait faciliter une admission. Si vous aviez une personne de votre famille qui travaillait dans l’entreprise vous aviez des points supplémentaires, c’était mon cas.
J’avais été reçu à l’ensemble des examens. Pourquoi mon choix s’est-il porté sur les Chantiers ? certainement parce que naturellement je suivais le chemin tracé par mon frère Marcel qui était entré quatre années plus tôt et en était sorti l’année précédente. Il avait appris le métier de traceur de coque de navire et raflé, durant les trois années, de nombreux prix tant il était brillant. Pas facile d’arriver derrière lui mais je savais ce qui m’attendait et puis on disait à l’époque : « Rentre aux Chantiers, p’tit gars tu auras toujours du boulot ! » ; pour moi ce fut vrai…
Je passais les entretiens, les derniers tests psychotechniques et bientôt au grand soulagement de mes parents je recevais par lettre la confirmation que je faisais partie de la centaine d’élus.
« * » Voir l’article L’orienteur (1962)
« ** » Voir l’article Le carnet de notes (1958)
Bonjour
confirme moi si tu étais de Pontchateau
Amicalement
Je suis né à Nantes mais j’ai toujours vécu à Saint-Nazaire. Une bonne et heureuse année pour toi et tes proches.
Amicalement
Michel
Ping : Centre d’Apprentissage (1965-1968) – Les bases du métier de traceur | Souvenirs
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