Centre d’Apprentissage des Chantiers de L’Atlantique (1965-1968)
L’enseignement professionnel
Le préapprentissage terminé, j’intégrais la première année des traceurs de coque et faisais connaissance de mes camarades avec lesquels je passerai mes trois prochaines années.
Les apprentis traceurs de coques :
Gilles T., Gilles L., Patrick L., Michel M., Philippe C., Alain C., Guy B.. (†), Michel N.. (†), Michel N., Jean-Yves D., Daniel M., André L, David B., Marc G., (†), Olivier K., Pierre L., Guy L., Jean Pierre O., Yannick L., et (?) P.
Nous étions vingt au départ mais un a donné sa démission très peu de temps après, (?) P. Il avait eu un très grave accident en entrant dans le derrière d’une vache en cyclomoteur sur la route de Saint-Malo-de-Guersac.
Le métier
Un peu d’histoire
Le métier de traceur de coques trouva ses premiers balbutiements en Angleterre, à partir de 1805, à l’avènement des navires en fer pour la navigation en eaux intérieures.
Le premier bateau en fer sur lequel on mit une machine à vapeur fut le Aaron-Mamby en 1821. C’est à cette époque que M. Cavé, mécanicien à Paris commença à fabriquer des bateaux métalliques sur la Seine.
Bien que les avantages et qualités de ces navires ne fussent plus contestés depuis longtemps pour les fleuves et rivières, on hésita longtemps pour les faire naviguer sur l’océan. Leur structure était encore fragile pour résister au gros temps, on redoutait l’action de l’eau salée sur le métal et puis il y avait les fameuses perturbations du compas.
On osa faire des paquebots pour les côtes puis l’art et la technique se perfectionnant on se mit à construire des bâtiments à voiles pour les voyages vers l’Amérique et les Indes orientales.
On n’abandonna pas facilement le bois. La structure des navires pendant un temps fut mixe. Les ponts et les épontilles, les barrots pouvaient être en bois et le bordé en acier. Puis le tout en fer s’imposa.
Une description d’un chantier anglais en 1842 nous en montre l’organisation, je cite :
« Pendant les mois de juin, juillet, août et septembre, on a travaillé activement à deux bâtiments en fer, savoir : un brick-pilote pour Calcutta, de 93 pieds* de longueur (28,35 m), et un bateau de 98 pieds (29,87 m), destiné à servir de feu flottant sur la côte. Quelques ouvriers étaient encore employés à finir une chaudière de machine à vapeur. Ces travaux occupaient cent dix ouvriers pour le fer et une vingtaine d’enfants apprentis, le tout dirigé par deux maîtres présidant, l’un à la mise en place, l’autre à la confection à l’atelier. Le nombre des ouvriers pour le bois était d’un contremaître et vingt charpentiers. Il y avait, en outre, un charpentier chargé de surveiller les dessinateurs, de tracer à la salle et de donner aux forgerons les gabarits et les équerrages des couples. »
Le métier déjà existait bel et bien à cette époque avec la notion de traçage à la salle et dans la confection des gabarits. Il est héritier des charpentiers de marines mais c’est avec la chaudronnerie qu’il s’apparente le plus.
Les techniques de développement des tôles de bordé n’existant pas on avait recours à une astuce :
« Après le plan dessiné qui a servi aux principaux calculs du bâtiment à construire, on fait aussi un petit modèle en bois massif, et, sur ce modèle, on trace toute la distribution des membres et des tôles du bordé, dont on relève les grandeurs sur l’échelle, ainsi que les longueurs de chaque membre; celle des divers barrots se prend sur le plan… C’est au chantier qu’on courbe les cornières suivant la forme du gabarit, et qu’on ouvre ou ferme leur côté pour leur donner l’équerrage voulu. »
Je me souviens avoir vu un tel modèle en exposition durant mon apprentissage avec toutes les virures de bordé et les joints.
Photo A – Gabarits de formage d’une tôle en 1842Les techniques de formage des tôles avec des gabarits de forme étaient déjà employées :
« Dans la mise en place de chaque feuille de tôle du bordé il y a deux opérations à signaler. La première, celle de courber la feuille suivant la forme du bâtiment; la seconde, de la découper exactement, pour la faire coïncider avec ses voisines, et de percer les trous de rivets de manière qu’ils correspondent avec ceux de la tôle déjà en place.
Pour donner à chaque feuille du bordé une courbure assez approchée, sans être obligé d’aller la présenter plusieurs fois, on se sert de quatre gabarits qui consistent en baguettes de fer rond, de 1 cm de diamètre environ ; l’une a été courbée sur les membres suivant la longueur de la tôle, au milieu (A-1); deux autres portent les courbures des deux membres extrêmes (A-2) (A-3), et la quatrième est fléchie sur les membres suivant une diagonale de la feuille de tôle (A-4).
Une fois cette tôle chauffée au fourneau jusqu’au rouge, on la façonne à coups de masse sur une longue enclume en fonte, plane au centre, arrondie sur ses rebords, en lui présentant les quatre gabarits en fer.
Quand la courbure à donner à la tôle n’est pas trop irrégulière, on se sert de la machine à rouleaux, au lieu de la façonner à coups de marteau. »
En 1862, l’ingénieur écossais John Scott, du chantier naval de Greenock fonde un chantier à Penhoët et forme la main d’œuvre locale au travail du fer. L’Impératrice Eugénie allait être le premier paquebot transatlantique construit. S’en suivi 150 ans de construction navale à Saint-Nazaire.
Grâce surtout aux procédés Bessemer et Martin, l’industrie métallurgique a ensuite réalisé dans la fabrication de l’acier de sérieux progrès. On a pu obtenir des tôles, des profilés d’une homogénéité remarquable. L’attention des constructeurs de navires a été attirée par les qualités de ces produits et ils ont cherché à en généraliser l’emploi.
Quand j’écris ces lignes je me dis que j’ai fait partie d’une longue lignée de professionnels qui en permanence ont inventé leur métier en suivant l’évolution des techniques.
La formation de l’apprenti traceur
Sur le tas
L’apprentissage se faisait « sur le tas ». À de rares exceptions près, l’apprenti était livré à lui-même. Sa formation pratique dépendait de ses plus ou moins grandes facultés d’observation, de la capacité professionnelle, des qualités morales et surtout de la valeur des indications ou conseils de l’ouvrier auquel il était adjoint… quand celui-ci songeait à son rôle d’instructeur.
Pour donner un coup de pouce à certains éléments, le soir à Saint-Joachim, tous les hivers, un contremaître donnait chez lui, au prix de cinq francs, des cours de dessin. Il enseignait la façon de régler le plan de formes d’un canot ainsi que des épures de chaudronnerie. Par la suite on compta trois ou quatre cours qui se partageaient une quinzaine d’élèves.
L’école professionnelle de Saint-Joachim
En 1910, sur l’initiative de quelques habitants de Saint-Joachim, un cours fut fondé avec un droit d’entrée de cinq francs pour les trois mois d’hiver. Ils étaient subventionnés par la municipalité et le département. Le nombre d’élèves étaient toujours croissant et bientôt il fallut trouver une salle plus grande.
Le 24 août 1930, M. François Poncet, ministre de l’économie nationale, inaugurait la nouvelle école professionnelle de Saint-Joachim pour permettre aux jeunes ouvriers de se perfectionner en construction navale. Ils avaient lieu dans une ancienne salle des fêtes qui fut transformée, grâce à des aides du département. L’école fonctionna jusqu’au début de la guerre.
Les cours d’apprentissage de Penhoët
C’est en pleine guerre, au cours de l’année 1917, que les cours d’apprentissage de Penhoët furent créés, pour former rapidement de bons ouvriers spécialistes en matière de construction navale.
Le chantier de Penhoët organisa un groupe de machines pour les ajusteurs, tourneurs, serruriers et électriciens ; un groupe de tôlerie pour les charpentiers traceurs, les chaudronniers en fer et en cuivre ; un groupe du bois pour les modeleurs, les ébénistes, les menuisiers d’ateliers et de bord, les charpentiers.
Des cours et exercices pratiques, particuliers à chacun des groupes et des cours théoriques furent institués.
Photo B – Plan de formes d’un navire Photo C – Gabarits de formage de bordé tréviré
Le traçage de coque dans les années 1960
Le traçage coque avait de nombreux points communs avec le traçage de chaudronnerie, la différence : le chaudronnier façonnait lui-même ses matériaux, le traceur n’avait pas à le faire.
Dans le traçage coque il y avait deux opérations bien distinctes :
1) Les dimensions principales d’un navire étant données par le bureau d’études à une échelle très réduite (1/100, 1/50), c’était le travail des traceurs de régler ses formes à l’échelle 1/10 (Photo B).
À partir du tracé des formes ils confectionnaient les épures et développements de tous les éléments de tôlerie constituant le navire.
Ils confectionnaient, pour la reproduction de tous ces tracés sur les tôles et profilés, des modèles en bois appelés gabarits pour le traçage des tôles formées (Photo C), et des règles pour les tôles rectilignes et les profilés droits.
A cette époque, les moyens de traçage sont déjà en partie remplacés par des modèles faits au 1/10.
2) A partir de ces règles et gabarits ils traçaient les éléments entrant dans la construction d’un navire.
Ces moyens de production étaient remplacés par des machines à oxycouper à œil électronique découpant en grandeur suivant des modèles à l’échelle 1/10 fournis par le bureau de traçage le 1/10 comme nous disions.
[1] Un pied anglais est égal à 304,8 mm soit 12 pouces
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tres bien fait. Daniel Y. Le brech 1968 1971
Bonjour, quel métier ?
traceur de coques passé cap fin 1970
j’aimerais bien avoir des contacts avec des anciens de ma promo, vous en connaissez ?
Bonjour Daniel, après réflexion, je revois que quelques gars de ma promo et des deux années précédentes. Il faudrait peut-être créer une page FB. Amicalement. Michel
C’est un métier qui a disparu avec l’informatique …..
Moi même traceur de coque aux chantiers Dubigeon (1971-1986)
puis saint Nazaire (de 1986-2007) au bureau d’étude coque métallique
on ne reconnaissait plu trop le métier…
Amicalement
Bernard
Bonjour Bernard, oui je me souviens de toi. Es-tu en retraite ? Cordialement. Michel