Les cours d’apprentissage du chantier de Penhoët
Les cours de 1917 à 1920
Pourquoi une nouvelle école ?
C’est en pleine guerre, au cours de l’année 1917, que la Société Anonyme des Chantiers et Ateliers de Saint-Nazaire (Penhoët) créa son école d’apprentissage.
Les répercussions des pertes en vie humaine sur l’industrie nationale étaient énormes. En avril 1916, dans une circulaire aux chefs d’industrie , le sous-secrétaire d’État de l’artillerie et des munitions, Albert Thomas, indiqua quelques-uns des moyens susceptibles « d’augmenter le rendement et d’économiser la main-d’œuvre » pour augmenter la production :
« … le besoin pressant d’ouvriers qualifiés et la nécessité de rendre à la zone des armées, dans un délai de quelques semaines les jeunes ouvriers des classes 1916 et 1917, exige un nouvel effort en vue d’une utilisation meilleure et plus intensive de la main-d’œuvre. Plusieurs établissements ont déjà organisé des écoles d’apprentissage. Sans avoir la prétention irréalisable de former des spécialistes en quelques mois, les chefs d’industrie qui ont pris cette initiative ont estimé, avec raison, qu’il était possible et opportun de favoriser l’ascension d’ouvriers déjà qualifiés à un degré de spécialisation professionnel plus élevé, et aussi de fournir à des ouvriers ou ouvrières sans formation professionnelle antérieure, le moyen de se servir utilement d’un outillage approprié à leurs besoins. »
Il fallait sans plus tarder se préparer à l’effort de reconstitution et nécessairement s’adapter au nouvel état de choses que la première guerre mondiale allait créer. Les méthodes d’alors pour former les ouvriers montraient leurs limites.
Les apprentis (les mousses) étaient embauchés par les chefs d’ateliers (1) sans idée d’ensemble, dans le temps, du recrutement optimal pour les différentes spécialités. Certains considéraient qu’il valait mieux embaucher des ouvriers spécialistes à rendement immédiat que de perdre son temps à former des apprentis ; « raisonnement d’opportunité et de paresse, foncièrement erroné et dangereux » selon M. Coqueret directeur des chantiers en 1929.
Chaque apprenti, à la sortie de l’école primaire, était adjoint à un ouvrier (le matelot) (2). Il apprenait son métier dans un temps plus ou moins long, selon ses plus ou moins grandes facultés d’observation et de la capacité professionnelle, des qualités morales et surtout de la valeur des indications ou conseils de l’ouvrier auquel il était adjoint. Son apprentissage était livré au hasard.
Tant bien que mal, avec le temps, les apprentis acquéraient une pratique de leur métier mais pour la théorie très peu d’entre eux suivaient les cours professionnels, ceux de l’Ecole professionnelle de Saint-Joachim (3) et ceux organisés par la ville de Saint-Nazaire institués en 1919 (6). Fournir un effort intellectuel après une longue journée de travail, de huit heures, six jours par semaine, demandait une volonté et un réel désir d’apprendre.
La création d’un service spécial distinct des ateliers devenait indispensable. Là, les jeunes gens pourraient acquérir une capacité professionnelle dans la spécialité de leur choix avec des exercices pratiques et théoriques appropriés sous la houlette de moniteurs et professeurs compétents.
Plusieurs solutions pouvaient être envisagées : créer une école de métiers subventionnée par le chantier et les industriels de la région ou faire appel aux écoles professionnelles existantes, telle que l’École pratique industrielle de Saint-Nazaire créée en 1902 (4).
De telles écoles avaient leur utilité dans un bassin d’emploi où toutes les industries étaient représentées. Elles donnaient un fonds commun de connaissances pratiques et théoriques, à charge pour les jeunes gens de se spécialiser dans l’entreprise où ils seront embauchés après leur apprentissage. La part faite aux cours théoriques était généralement importante et les jeunes gens qui en sortaient s’orientaient plutôt vers les bureaux techniques délaissant les ateliers.
Le chantier avait plus besoin d’ouvriers que de dessinateurs ou d’employés techniques et il lui fallait un nombre requis d’ouvriers dans de nombreuses spécialités.
Pour ces raisons, le chantier décida de créer une école d’apprentissage (5), en son sein, pour former, sur des bases rationnelles de bons ouvriers spécialisés en matière de construction navale.
La création
Les cours ont commencé le 16 mai 1917, dans des locaux, distincts des ateliers, spécialement aménagés pour les apprentis avec leur propre outillage. Ils étaient organisés en trois groupes :
– Groupe du bois : menuisiers, ébénistes, charpentiers-calfats,
– Groupe tôlerie : charpentiers, tôliers, traceurs, chaudronniers en fer, chaudronniers en cuivre, tuyautiers,
– Groupe mécanique : ajusteurs, tourneurs.
L’effectif de cette première année était de 167 apprentis répartis comme suit : groupe bois : 23 apprentis ; groupe tôlerie : 59 ; groupe mécanique 78 ; perfectionnement : 7.
À cette époque, selon la loi les enfants ne pouvaient être employés dans un établissement industriel, même si celui-ci avait un caractère professionnel, avant l’âge de treize ans révolus. Toutefois les enfants munis d’un certificat d’études primaires, institué par la loi du 28 mars 1882, pouvaient être employés à partir de douze ans.
La durée de l’apprentissage était de trois ans, deux pour certains éléments particulièrement doués et le chantier se réservait alors la possibilité de les garder dans un cours de perfectionnement.
Outre les cours pratiques, les apprentis suivaient des cours théoriques tous les jours sur les heures de travail. Selon les capacités de l’élève, il pouvait ne pas avoir concordance entre l’échelon pratique et théorique. Un apprenti plus apte au travail manuel et moins apte aux leçons, ou vice-versa, pouvait être sur un échelon pratique et théorique différent.
Chaque groupe était conduit par un contremaître adjoint qui avait auprès de lui un à trois instructeurs.
Les apprentis étaient groupés dans des équipes avec des instructeurs spécialement dédiés qui leur donnaient la pratique des outils et le traitement de la matière avec des exercices soigneusement gradués. Ils donnaient la dernière main aux travaux des élèves car ceux-ci étaient choisis dans les commandes que le chantier avait à exécuter.
Les apprentis étaient payés au même tarif que les ouvriers en incluant les cours théoriques. Aux plus habiles une feuille de travail, avec un temps pour l’exécution des pièces, était donnée. S’il faisait un boni la moitié lui était versée l’autre moitié étaient versée sur un livret de caisse d’épargne, à son nom, avec remboursement différé à sa majorité.
* Faire du/un boni. Gagner en plus
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