Les cours d’apprentissage des Chantiers de Penhoët de 1920 à 1938

Pour faire le point sur cette étude et aller un peu plus en avant, je vous propose :
Le Samedi 31 janvier à 10 h 30,
à la médiathèque Barbara 7, rue du Berry – 44550 Montoir-de-Bretagne,
une rencontre-conférence sur le thème « L’école d’apprentissage aux Chantiers de Penhoët ».
La salle est petite, merci de réserver à la médiathèque ou au 02 40 70 11 51
Merci de passer l’information à toutes les personnes susceptibles d’être intéressés par ce sujet.

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Articles précédents :
1) Création des cours d’apprentissage des Chantiers de Penhoët. (1917 à 1919)
2) L’école d’apprentissage – La distribution des prix.  (1922 à 1938)
3) L’école d’apprentissage au fil du temps (1917-1929).
4) L’école d’apprentissage au fil du temps (1930-1938)

 

Les cours d’apprentissage des Chantiers de Penhoët de 1920 à 1938

En 1920, les cours subirent une réorganisation. À part cette laconique insertion dans un article, je n’ai aucune source à ma disposition pour mesurer l’ampleur des modifications apportées.

Le recrutement des apprentis

Bien que, dès sa création, il y eût une sélection selon les sources actuellement à ma disposition il est fait référence à un examen d’entrée qu’à partir de 1924. Aucun document ne nous renseigne sur sa nature.
La date de clôture des inscriptions, généralement fin juin début juillet, était donnée par voie de presse.
Pour entrer au cours d’apprentissage, les candidats devaient être âgés d’au moins 13 ans révolus au 1er juillet et munis du certificat d’études primaires la limite maximum semble 16 ans
Les personnes qui désiraient présenter des candidats à l’examen d’admission devaient adresser leur demande au Directeur du Chantier en indiquant la spécialité désirée. Dans la mesure du possible, il était tenu compte de cette préférence.

PyramideAges1929

G 1 – Répartition population 1929 – Source Insee

 

PyramideAges1933

G 2 – Répartition population 1933 – Source Insee 

La guerre de 1914 à 1918 a engendré des morts en masse et a inversé l’ordre normal des choses. Les jeunes adultes, les soldats, meurent avant leurs parents. Ils n’ont pas eu ou n’auront pas d’enfants alors des générations manquent à l’appel.
Conséquence, le recrutement des apprentis subit une crise en 1929 (G1) et surtout en 1930. La tranche d’âge entre 14 et 16 ans manqua à l’appel ; la sélection en nombre devint plus difficile ; le Chantier accepta alors des jeunes gens dont le niveau d’instruction primaire laissait profondément à désirer.
Est-ce aussi pour cette raison que la date d’entrée à 13 ans révolus au 1er juillet fût reportée au 1er septembre dès 1930 ? On peut le penser en effet.
En 1931 et 1932 les candidatures étaient suffisantes mais le niveau n’avait pas évolué.
En 1933 (G2), la tranche d’âge 14 à 16 ans s’étant reconstituée, les candidatures furent suffisantes, 183 apprentis se présentèrent à l’examen d’entrée pour 90 admis, ce qui a permis d’opérer une sélection plus conforme aux exigences de l’école.
Dans son discours de remise des prix de 1934, M. Coqueret se désespérait du niveau d’instruction générale. Des enfants pourtant titulaires du certificat d’études primaires se sont montrés tellement déficients à l’examen d’entrée qu’il considérait que ce diplôme avait perdu toute valeur et, à son avis, qu’il faudrait être plus sévère pour son obtention et au besoin reculer la limite d’âge au-dessous de laquelle les enfants doivent continuer à fréquenter l’école primaire.
En 1935, M. Coqueret nuancera ses propos de l’année précédente en considérant que le niveau d’instruction générale est en progression.

Pour suivre les idées du Gouvernement de l’époque selon laquelle les enfants doivent surtout acquérir l’instruction générale sur les bancs de l’école pour mieux profiter par la suite des cours pratiques qui restent alors l’essentiel de leur formation ; profitant de l’application de la loi Walter-Paulin du 10 mars 1937 relative à l’apprentissage dans les entreprises artisanales stipulant que l’entrée ne peut se faire avant 14 ans ; suite enfin aux problèmes de niveau scolaire cités plus haut, l’âge légal d’entrée aux cours d’apprentissage fut porté à 14 ans en 1937.
Pour la petite histoire, il est a noté que l’application de cette loi, pour les entreprises artisanales, a provoqué une augmentation sensible des effectifs des classes de primaire à Saint-Nazaire. Certaines classes étaient déjà surchargées dans les années 1936 et 1937 : 40 à 42 élèves par classe pour 35 prévus par la loi.

Pour être admis au cours en première année, les candidats devaient passer un examen médical pour constater s’ils étaient physiquement capables d’exercer les métiers proposés.

Les effectifs

Lors la distribution des prix de 1925, M. Lévy donna quelques indications sur le nombre d’apprentis qui ont fréquenté les cours depuis leur création : mille jeunes gens et cinq cents, par leur travail et assiduité, sont entrés dans les équipes.

Autour de l’année 1929, la formation se faisait sur trois années et le chantier admettait en moyenne, par an, 90 apprentis répartis selon les groupes : machines : 40, tôlerie : 30, bois : 20. Les effectifs pour les trois années se maintenaient aux environs de 250 à 270 apprentis soit près de six pour cent de l’effectif total  des ouvriers (≈ 4000) et dix pour cent des ouvriers qualifiés des corporations formées à l’école (≈ 2500).

À partir de 1934, une centaine d’apprentis fut admise chaque année.

Le fonctionnement de l’école

Les ateliers des apprentis

VueChantiers1921LocApprentNumMCM
Ateliers des apprentis – (1) Groupe machines ; (2) Groupe tôlerie ; (3) Groupe Bois
D’après un dessin – Collection S. Paquet

Les groupes

Dès la création de l’école, nous l’avons vu, la formation dispensée était divisée en trois groupes : un groupe « machines » pour les ajusteurs, tourneurs, serruriers et électriciens ; un groupe « tôlerie » pour les charpentiers-traceurs, les chaudronniers en fer et en cuivre ; un groupe « bois » pour les modeleurs, les ébénistes, les menuisiers d’ateliers et de bord, les charpentiers.
Elle comprenait des cours théoriques en tronc commun et des cours et exercices pratiques particuliers pour chaque groupe.
En 1937 sur proposition de M. Pagery une section électricité fut crée.

Le salaire

Le chantier leur versait un salaire, ce qui était un avantage certain car dans beaucoup de corporations l’apprenti n’était pas rétribué ou même versait une redevance au patron.
Étaient-ils payés au même tarif que les ouvriers comme en 1917 à l’ouverture de l’école ? probablement pas.

Équipe pédagogique

L’équipe pédagogique était composée comme suit : à la tête de l’école le directeur des cours d’apprentissage, les professeurs. À la tête de chaque groupe les contremaîtres  puis pour chaque groupe des chefs ouvriers et des moniteurs.

En 1937, on fait état, d’un suivi de la santé des apprentis par la surintendante d’usine pour les œuvres sociales.

La formation

Nous savons qu’en 1930, mais rien nous dit que cette pratique n’était pas antérieure à cette date, les apprentis faisaient un stage dans chacun des trois groupes (bois, machines, tôlerie-chaudronnerie) la première année.
À la fin de celle-ci, ils étaient affectés à un de ces groupes pour leurs deux dernières années d’études en tenant compte : de leurs désirs qu’ils avaient exprimés, de leur classement général, des notes obtenues et des aptitudes qu’ils avaient montrées.

Le but de cette école était de former des ouvriers, mais en 1929 des cours de perfectionnement à l’École de dessinateurs de Nantes ont été proposés aux apprentis de troisième année qui, par leurs aptitudes au dessin, avaient intérêt à être aiguillés vers les bureaux d’études.
Les frais de scolarité auraient été supportés par le chantier et une mensualité assurée aux élèves qui auraient eu la certitude d’être engagés ensuite comme dessinateurs à Penhoët. Aucun candidat ne s’était présenté.

1932Schéma D – En 1932

À partir de 1932, par l’initiative de M. Pagery des cours spéciaux furent créés pour les bons élèves de 2e et 3e année.
Les apprentis se préparaient, pendant ces deux années, à passer l’examen d’entrée de l’École des dessinateurs du Syndicat des Constructeurs de navires de Nantes (Schéma D). Ils comprenaient des cours de dessin, mécanique générale, algèbre, géométrie. Selon M. Coqueret, ils ont donné très rapidement de très bons résultats.

Les concours régionaux et nationaux

À partir de 1921 jusqu’en 1933, les cours étant affiliés au Syndicat des mécaniciens, chaudronniers et fondeurs de France, le chantier présentait des apprentis au concours pratique que celui-ci organisait chaque année. Les lauréats étaient récompensés par des médailles d’or, d’argent et de bronze et des livrets de Caisse d’Épargne pour l’or et l’argent.
Les apprentis obtenaient de nombreuses médailles chaque année.

À partir de 1932, dès lors que les cours spéciaux ont été institués pour présenter des candidats à l’examen d’entrée de l’École des dessinateurs du Syndicat des Constructeurs de navires de Nantes, le chantier cessa de présenter des candidats à ces concours.

En 1936, il renoua avec cette pratique en présentant des travaux d’apprentis à la 4e exposition régionale du travail de Nantes où ils obtinrent, là aussi, des médailles et les travaux de quatre apprentis furent acceptés pour concourir au Concours National de Paris.
À partir de 1937, il présenta des apprentis au concours général entre tous les apprentis de France sous l’égide, entre autres, du Syndicat des industries mécaniques.

Son action pour le développement de la région

Il faut savoir que tous les apprentis n’entraient pas dans les équipes. L’action de l’école d’apprentissage ne se limitait pas qu’aux besoins du chantier, mais elle visait un but beaucoup plus large. M. Coqueret nous en a donné la preuve, dans un discours, par cette analyse en 1933 :

« Former les ouvriers de l’avenir, c’est, certes, l’intérêt du patronat, mais c’est aussi un devoir vis à vis de la collectivité et le Chantier s’en acquitte bien au-delà de ce qu’il pourrait strictement faire. Je vais vous le prouver.
Par admission de 80 à 90 apprentis par an pour les Sections de Tôlerie-Chaudronnerie, de Mécanique et de travail du Bois et pour trois années de cours, il instruit constamment 250 apprentis environ ; comme un homme travaille 40 à 45 ans en moyenne et que de nombreux jeunes gens acquièrent leur métier sur les travaux quand la spécialité y oblige, le Chantier forme des ouvriers en nombre correspondant à un effectif de 10.000 à 12.000 hommes.
Or, au plus fort de son activité, il n’a jamais compté 6.000 hommes ; il forme donc des ouvriers, non seulement pour ses propres besoins, mais pour toute la région et même pour ailleurs. »

Les coûts et charges de l’école

Nous avons quelques chiffres sur les coûts de fonctionnement de l’école incluant : les frais de personnel dirigeant et professant, les dépenses en matières pour les exercices pratiques, le salaire que le chantier paie aux apprentis.
Les cours ont coûté pour l’année 1929 500 000 franc par an alors que chantier aurait pu s’acquitter d’une taxe d’apprentissage versée à l’état, si les cours n’existaient pas, de 125 000 francs par an.
Pour l’année 1933, les cours ont coûté 800 000 francs par an alors qu’il aurait pu s’acquitter d’un impôt de 400 000 francs par an pour être en règle avec la loi Astier.

Selon M. Coqueret, le chantier ne regrettait rien, bien au contraire. Il considérait que si c’était son intérêt et son devoir de former des ouvriers pour lui-même, c’était une charge que le chantier se donnait bénévolement en formant pour la région, en contrepartie il avait droit à la reconnaissance de la collectivité.

Le certificat d’aptitude professionnelle

En 1919, Le « Certificat de Capacité Professionnelle (CCP) devint le « Certificat d’Aptitude Professionnelle » (CAP) par la loi Astier du 25 juillet. Ce dernier fut organisé à Saint-Nazaire pour la première fois en 1922 dans les ateliers de l’École pratique. Il faut noter que, pour cette session, le jury, présidé par l’inspecteur départemental de l’enseignement technique était formé presque exclusivement de professionnels ou de contremaîtres du chantier de Penhoët.

Il avait lieu au mois de juillet, il comprenait :
1° Une épreuve de travail manuel d’une durée de 8 heures (coefficient 5) ;
2° Une épreuve de dessin d’une durée de 3 heures (coefficient 3) ;
3° Une épreuve de calcul : arithmétique et géométrie pratique d’une durée de 1h30 (coefficient 1) ;
4° Une épreuve orale sur la technologie de la profession, d’une durée de ¼ d’heure (coefficient 1) ;
Pour l’épreuve de travail manuel, un dessin de la pièce à exécuter était remis à chaque candidat.

A propos Michel-Claude Mahé

Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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