Le monument américain – Les Fêtes Franco-américaines – Samedi 26 juin 1926 – L’inauguration

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Nous reprenons comme base de cet article, que nous compléterons, les écrits de Mrs. Louise Du Bois, épouse du Captain Arthur M. Du Bois, trésorier de “The St. Nazaire Memorial Fund”, qui nous a laissé quelques jolies pages sur l’inauguration du monument américain.

Crédit Photo : Naval Historical Foundation Collection

 

L’inauguration du monument

« Notre cheminement à travers les rues vers le Boulevard de L’Océan était fascinant. Les gens s’entassaient tout le long du parcours et les femmes en costumes bretons avec les uniformes des marines française et américaine formaient des ensembles très colorés. Nous quittâmes notre voiture et trouvâmes bientôt notre chemin dans la foule vers la partie couverte de l’esplanade qui servait de tribune. C’est seulement lorsque nous sommes arrivés à nos places que nous avons eu un premier aperçu du monument et ce fut un moment palpitant. Même voilé, il était de toute beauté et son site approchait de la perfection. La marée était basse et la plage mais aussi chaque endroit disponible sur le boulevard étaient bondés*. »

* Deux à trois mille personnes se trouvaient sur le sable, au pied du rempart. Les tribunes, face au monument recouvert de son voile, sont bondées. La foule, plus de 25.000 personnes selon un chroniqueur, a envahi le boulevard et c’est assez difficilement que les officiels, comprenant de très nombreux américains, après avoir passé entre la double haie formée par les marins français d’un côté, les marins américains de l’autre, parvinrent à leur tribune.

« Après une courte attente nous entendîmes de la musique puis des applaudissements et des acclamations, alors nous sûmes que « le cortège officiel » arrivait. Escortés par les fusiliers marins, les Marines américains, les enfants des écoles, les anciens combattants, les organisations nazairiennes, arrivèrent : Mme Whitney, le maire, M. Leygues, ministre de la Marine, le général Gouraud (facilement repérable par sa manche vide), le général Pershing (décorations complètes !), le général Rockenback, l’amiral Gleaves, Mr. Herrick et aussi un nombre de dignitaires de moindre importance. Il y eut un moment de confusion pour trouver leurs places * et ensuite M. Herrick monta à la tribune et a offert le monument à la France au nom des États-Unis. Dès qu’il eût fini, le voile du monument fut abaissé et la musique joua la Marseillaise et le Star Spangled Banner. Ce fut un merveilleux moment et la beauté de la statue dépassait largement nos attentes. Le soldat en équilibre sur le dos de l’aigle avec l’épée des croisés dans sa main donne le sentiment de beaucoup de courage, de confiance et combien le soldat était jeune, et l’aigle en bronze avec les ailes étendues et la queue dirigée vers le bas alors qu’il atterrit sur le piton lui donnent toute la sensation de force et d’endurance.»

* Devant les tribunes c’est le désordre, les groupes formant le cortège ne trouvaient pas leur place. Les drapeaux des différentes sociétés, celui des Fusiliers-Marins, de l’American Legion, ceux des Sociétés patriotiques se sont retrouvés très loin de l’emplacement prévu : devant les tribunes. Celle-ci avait été prise d’assaut par les photographes et opérateurs cinématographiques. M. Bodinier protesta véhémentement, il obtint gain de cause. Les glorieux étendards purent occuper la place qu’il leur revenait.
** Dans les tribunes, on réussit à se caser tant bien que mal. La créatrice du monument Mrs Whitney était placée entre les ministres, au premier rang.
Un incident est survenu dans les tribunes un communiste notoire de la région nazairienne, Laguevel, qui, voulant pénétrer dans les tribunes officielles sans carte, a frappé le commissaire de police, M. Rigoire. Il a été arrêté.
Quelques minutes de silence puis pendant que la musique des Équipages de la Flotte joua l’hymne américain le « Star Spangled Banner », le voile qui couvrait le monument tomba, le canon tonna, des bombes éclatèrent dans le ciel. De celles-ci sortirent des multitudes de drapeaux américains, français et des nations alliées. Ils furent lentement portés par le vent vers Villès-Martin. La foule applaudit.
Puis, assurée par la Société Colombophile, ce fut l’envol de pigeons voyageurs. L’un d’eux se posa sur le casque du soldat américain. Il n’en partira qu’après que M. Myron Herrick, l’ambassadeur des États-Unis aura pris place à la tribune pour prononcer son discours.
Sur l’initiative du Radio-Club de Saint-Nazaire, des hauts-parleurs ont été installés sur le boulevard de l’Océan, afin de permettre à la foule de mieux entendre les discours et concerts de la cérémonie.
Pendant l’inauguration – Collection Michel-C Mahé
La foule sur la plage – Collection Michel-C Mahé

« M. Herrick fit un discours* très élégant** qui a été reçu avec enthousiasme. Puis le Colonel Mott s’est levé et l’a relu, cette fois en français. Sa traduction n’était en aucun cas conforme à l’original ni sa prestation ***. Mais les gens l’ont reçu conformément au code des parfaites bonnes manières et tout s’est bien passé.»

* M. Myron Herrick s’exprima en anglais. La traduction sera assurée par le colonel américain Mott, la poitrine recouverte de décorations.
** Le discours de M. Myron Herrick, ambassadeur des États-Unis, fut assez virulent. Il s’attacha à montrer combien fausse est la légende qui représente l’Amérique comme dénuée d’idéalisme. Nous aborderons ce sujet dans le prochain article.
*** Un chroniqueur a noté, lui aussi, ce fait : « La traduction ne fut qu’une pâle image de l’original ».

« Alors M. Leygues fit un très pertinent discours d’acceptation pour la France, suivi du maire qui fit de même pour Saint-Nazaire. Un représentant d’une association d’anciens combattants a dit quelques mots et les discours étaient terminés.*»

* Il y eu cinq discours : M. Herrick, ambassadeur des États-Unis, M. Leygues, ministre de la Marine, M. Blancho, maire de Saint-Nazaire, M. Delaroche-Vernet, député de la Loire-Inférieure, M. Georgelin, président des Anciens Combattants.
Philippe Delaroche-Vernet est un homme politique français né le 10 novembre 1878 à Paris et mort le 12 septembre 1935 au Pecq (Seine-et-Oise).
Chef adjoint du cabinet du ministre de la Justice, il devient maire du Pouliguen et conseiller général. Il est député de la Loire-Inférieure de 1910 à 1919 et de 1924 à 1928, siégeant au groupe radical-socialiste.

« Les enfants des écoles entonnèrent une chanson composée pour l’occasion, appelée « Ils sont venus portés sur les ailes des aigles.» *, signe que la cérémonie prenait fin. À ce moment quatre clairons prirent place devant Mme Whitney, clairons levés. Monsieur Leygues fit un pas en avant et au nom de la France la fit Chevalier de la Légion d’honneur. Les clairons sonnèrent et les gens applaudirent, acclamèrent. Mme Whitney a été totalement surprise et sous le charme mais, comme toujours, gracieuse et charmante. M. Leygues lui fit un baisemain, les musiques ont de nouveau joué les deux hymnes nationaux et la foule commença à se retirer.
Pendant que nous étions sous le vélum attendant le départ des invités d’honneur, M. Herrick se fit pressant auprès de M. Leygues et lui demanda pourquoi il n’avait pas donné l’accolade avec la décoration. « Parce que, répondit le Français, je ne suis pas membre de la Légion d’honneur; et en plus, les clairons étaient trop près ! » « Eh bien, répondit M. Herrick, ils sont partis. » Alors M. Leygues a achevé sa tâche en embrassant Mme Whitney chaleureusement sur les deux joues**. Les Marines et les fusiliers défilèrent avec leur corps de fifres et de tambours et nous retournâmes à l’hôtel pour un bref répit avant le déjeuner.»

* C’est M. Henri Ploquin qui dirigea l’Harmonie Marceau, la Schola Cantorum (toutes deux direction Cadayé ) et les jeunes filles de l’École primaire supérieure. Ils exécutèrent la cantate : « Ils sont venus portés sur les ailes des aigles… », de M. Pierre Armor, musique de M. Henri Ploquin.
M. Pierre Armor , auteur nazairien, pseudonyme de M. Félix (Marie, René) Crespin, était secrétaire général de la sous-préfecture de Saint-Nazaire.
M. Henri (Prosper) Ploquin, né à Nantes le 19 septembre 1862, compositeur nantais, était professeur de solfège au Conservatoire de musique de Nantes. M. Ploquin fut nommé Officier de l’Instruction publique le jour même de l’inauguration.
Cette cantate mêle harmonieusement les motifs de la Marseillaise et de l’hymne américain.
I
Ils sont venus portés sur les ailes des aigles,
Pour combattre ceux qui, méprisant toutes règles,
Avaient, foulant aux pieds honneur et dignité,
Déclaré, sans merci, guerre à l’Humanité…
………………………………………………………..
Ils sont venus portés sur les ailes des aigles,
II
Ils sont venus, marchant en héros à la mort,
France, pour soutenir ton gigantesque effort,
Et jeter, pour toujours, loin hors de la frontière,
Le Hun qui rêvait d’asservir la terre entière.
………………………………………………………..
Ils sont venus, marchant en héros à la mort,
III
Paix à vos cendres mortelles !
Gloire à vos âmes éternelles,
O fils de Washington !
Qui, vous souvenant de Lafayette,
Vous levèrent tous sous la baguette
Du Président Wilson.
IV
Dormez en paix, ô fils de la Libre Amérique !
Car votre souvenir dans nos cœurs est gravé,
Monte dans la lumière, ô phalange héroïque,
Par qui le Monde fut sauvé !
V
Et nous, filles de ces petits soldats de France,
Dont le sang s’est mêlé dans de rudes combats,
Au sang de tes enfants, ô terre de vaillance !
Devant ce monument, inclinons-nous très bas.
VI
Souhaitons, en nos coeurs, que la guerre périsse,
Que sur le monde entier, une éternelle paix,
Naissant, pour l’avenir, du sanglant sacrifice,
Répande sur nos fils le fruit de ses bienfaits.
………………………………………………………..
Ils sont venus portés sur les ailes des aigles.
** Ce petit incident fit le tour des rédactions en France et aux États-Unis.

A propos Michel-Claude Mahé

Je suis un retraité éternel apprenant. Passionné d'histoire, de dessin, de philosophie, de mathématiques, d'informatique...
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