« Mother, why did my father go to France? » M. Herrick, ambassadeur des États-Unis
Le monument américain – La genèse
Ce fut lors du banquet annuel en mars 1924 à New York, en présence de M. Jules Jusserand*, ambassadeur de France, « Guest of Honor » de « The St. Nazaire Association », forte d’environ trois cents membres ayant stationné à Saint-Nazaire et ses environs pendant la première guerre mondiale, que fut officiellement présenté le projet d’élever à Saint-Nazaire un monument commémorant l’arrivée des premières troupes américaines, en France, à Saint-Nazaire le 26 juin 1917**.
Lors de ce dîner, une lettre du président des Etats-Unis John Calvin Coolidge***, approuvant cette proposition, fut rendue publique et Mrs. Gertrude Whitney**** fut chargée de concevoir ce monument.
* Jean Adrien Antoine Jules Jusserand, (1855- 1932), ambassadeur de France à Washington pendant les mandats de Theodore Roosevelt, Woodrow Wilson, Warren Harding et Calvin Coolidge.
** Les officiers des unités qui ont servi dans l’American Expeditionary Force (A.E.F.) pendant la première guerre mondiale à Saint-Nazaire, Nantes et Savenay se réunissaient informellement chaque année pour un dîner. Ils ont décidé de se mettre officiellement en association le samedi 31 mars 1923 au « Army and Navy Club », 112 West Fifty-ninth Street à New York, sous le nom « The St. Nazaire Association ».
Ce jour-là, M. Le Neuve, attaché commercial à l’ambassade française, était l’invité d’honneur, le Colonel Rockenbach, était l’un des intervenants.
Toute personne qui a servi à tout moment avec les forces américaines dans l’un de ces trois endroits, quelque soit son grade pouvait adhérer à cette nouvelle association.
Ses principaux objectifs étaient de promouvoir et de préserver les intérêts des anciens combattants, de préparer une histoire de la base, ses activités et les forces alors, de présenter à la ville de Saint-Nazaire un monument à la gloire des soldats américains.
Le major R. Cholmeley-Jones, était le président. Les autres membres : Major Gen. R. D. Walsh, Major Johnston De Forest, Lieutenants Livingston L. Short and Williann T. O’Connor, Colonel John F. Daniell, Captain Arthur M. Dubois, Dr. Henry Thatcher, Miss Hilda Thompson, Miss Minette Causse and Miss Anna Mackenzie.
*** C’est à Saint-Nazaire, le 26 juin, 1917, sous les ordres du général Sibert, que les premières troupes américaines débarquent directement des États-Unis sur le sol français. Avant cette date, d’autres forces armées américaines les avaient précédés en France, mais elles avaient toutes été acheminées via la Grande-Bretagne.
Le commandant en chef, le général Pershing, quitta l’Amérique le 28 mai 1917 et était à Saint-Nazaire le 27 juin pour présider à l’installation du premier contingent de troupe débarqué en France.
C’est à Saint-Nazaire que fut débarqué la majeure partie du matériel américain. Le camp de Montoir, desservi par plus de 100 kilomètres de rails, pouvait recevoir l’approvisionnement nécessaire à un million d’hommes pendant 45 jours. Le matériel roulant déchargé fut considérable, près de 1200 locomotives et 17000 wagons.
Saint-Nazaire devint un immense camp américain. Un des cantonnements de Saint-Nazaire pouvait recevoir à lui seul 40.000 hommes.
**** John Calvin Coolidge, Jr., (1872 – 1933), trentième président des États-Unis du 2 août 1923 au 4 mars 1929.
***** Gertrude Vanderbilt est née à New York le 9 janvier 1875. Elle était la seconde fille de Cornelius Vanderbilt II (1843–1899) et Alice Claypoole Gwynne (1852–1934). Elle fut éduquée par des professeurs particuliers puis dans une école privée de New-york, Brearley School .
À 21 ans, le 25 août 1896, Gertrude se marie avec Harry Payne Whitney (1872–1930), un banquier et investisseur qui hérita d’une fortune considérable. Ils ont eu trois enfants Flora (1897-1986), Cornelius (1899-1992), et Barbara (1903-1983).
Tandis qu’elle visitait l’Europe, vers 1900, Gertrude découvrit la vie artistique foisonnante de Montmartre et Montparnasse. Cela l’a encouragée dans sa créativité et elle devint sculptrice.
Elle a étudié à New York à « The Art Students League » avec Hendrik Christian Andersen et James Earle Fraser, à Paris avec Andrew O’Connor . Un temps elle fut l’élève de Rodin à Paris.
Son oeuvre inclus beaucoup de petites sculptures mais elle est plus connue aujourd’hui pour ses oeuvres monumentales.
On lui doit notamment : La Fontaine de l’El Dorado à San Francisco (désormais à Lima au Pérou) ; La Fontaine aztèque à Washington ; Le mémorial des Femmes du Titanic, Washington ; La statue de Buffalo Bill, Wyoming ; L’Arc de la Victoire – Madison Square, New York ; Un monument aux morts de la Première Guerre mondiale – Mitchell Square Park.
Il est intéressant de noter la différence de traitement du nom de l’artiste dans la presse. Les journaux américains donnent dans un déférent Mrs. Harry Payne Whitney tandis que les journaux français dans un familier Miss Whitney.
Quelque temps après, le projet fut recommandé par le secrétaire d’État Charles E. Hughes*. Il dit : « Je suis heureux d’apprendre que « The St. Nazaire Association » parraine l’érection de ce monument à Saint-Nazaire pour commémorer le débarquement des premières troupes américaines transportées en France directement des États-Unis. » Et puis encore : « Il me semble que c’est une bonne chose qu’un tel monument soit érigé à St Nazaire, un monument qui aura une place d’honneur unique à la mémoire de notre association durant la Grande Guerre. »
* Charles E. Hughes (1862-1948) était membre du Parti républicain ; gouverneur de l’État de New York de 1907 à 1910; juge à la Cour suprême des Etats-Unis ; candidat républicain à la présidence en 1916 ; Secrétaire d’État de 1921 à 1925.
M. Vivant Lacour*, maire de Saint-Nazaire, écrira au comité pour exprimer « La gratitude de Saint-Nazaire pour ce monument, véritable chef-d’œuvre qui dans sa signification et sa situation commémorera parfaitement les événements pour lesquels il est dédié. »
* Vivant Lacour (1859- 1930) membre du parti d’Union Républicaine, conseiller municipal en 1904 ; premier adjoint de 1909 à 1919 ; maire de Saint-Nazaire du 10 décembre 1919 au 17 mai 1925.

Saint-Nazaire en 1924 – A) Limite du Camp 7 entre 1917 et 1919 ; B) La gare ; C) Boulevard de l’Océan* ; D) Pointe de Ville-ès-Martin ; E) Monument aux Morts pour la Patrie ; F) Monument américain – Dessin Michel-C Mahé.
* En 1925, le boulevard de l’Océan devient boulevard Président Wilson.
En septembre 1924, plusieurs délégués du Comité américain, dont Mrs. Gertrude Whitney, sont venus à Saint-Nazaire pour examiner plusieurs emplacements pour ériger le monument : l’ancien cimetière américain au Camp 7, les abords de la gare, le boulevard de l’Océan.
Leur choix s’est porté sur le gros rocher situé sur la plage en face le n°72 du boulevard de l’Océan. La municipalité a donné son entière approbation.
On dit qu’entre les trois ports, Bordeaux, Brest et Saint-Nazaire où affluèrent les soldats et matériels des Etats-Unis, Mrs. Whitney a choisi Saint-Nazaire car elle fut captivée par l’éparpillement si gracieux des villas au long du boulevard de l’Océan et le panorama du large qu’on découvre à cet endroit.
Avant de repartir, Mrs. Whitney a choisi M. Chaney* comme architecte et lui a confié ses projets.
* M. Chaney s’était déjà vu confié l’érection du Monument aux Morts pour la Patrie, inauguré le 11 novembre 1924. Il était président de l’association d’anciens combattants les Frères d’Armes. À ce titre, l’association n’étant pas riche, il avait demandé à Mrs. Whitney l’abandon de tous ses droits d’auteur à la caisse des mutilés Frères d’Armes. Nul ne sait si elle a accepté, mais, en 1927, elle fit un don de 15000 francs ; ce qui correspondait à la moitié du budget annuel de cette même association.
Gertrude Vanderbilt Whitney dans son atelier – autour de 1920 – Photo Wikipedia
Boulevard de l’Océan – Emplacement du futur monument – Mrs. Whitney a choisi Saint-Nazaire car elle fut captivée par l’éparpillement si gracieux des villas au long du boulevard de l’Océan et le panorama du large qu’on découvre à cet endroit. Collection Michel-C Mahé.
(À suivre)
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